
70.3® World Championship : une génération en chasse une autre. Notre analyse à froid.
Par la rédaction. Photos © Getty Images for Ironman
Ce qui s’est passé samedi et dimanche à Nice démontre à qui en doutait encore que le triathlon est un sport populaire plein de rebondissements, de drames, de larmes, et de joies très intenses. Daniela Ryf, la Suissesse de 32 ans déjà 4 fois championne du monde d’Ironman (2015, 2016, 2017, 2018) et quatre fois championne du monde d’Ironman 70.3 (2014, 2015, 2017, 2018) a donc gagné un cinquième titre, ce que personne n’a jamais fait en 70.3, tant chez les messieurs que chez les femmes. Avec ses 4 victoirs à Kona sur le full Ironman d’Hawaii, Daniela Ryf reste bien sûr loin du record de Paula Newby-Fraser car la zimbabwéenne naturalisée Américaine l’a remporté 8 fois. On pourrait aussi citer la suissesse Natascha Badmann qui l’a remporté elle 6 fois. Mais dans les deux cas, cela s’est fait à une toute autre époque, celle où la densité d’athlètes élites n’était pas du tout aussi forte qu’aujourd’hui. Quant à la course des messieurs à Nice, elle a très vite pris un tournant que personne n’attendait et a relégué dans des rôles de figurants les athlètes les plus connus, les plus titrés. Preuve que les temps changent.
Il faut d’abord saluer le talent de Daniela Ryf
Daniela Ryf est entraînée par Brett Sutton, un coach australien ancien boxeur professionnel oh combien renommé – il avait auparavant entraîné l’anglaise recordwoman du monde et quadruple championne du monde Chrissie Wellington ou encore l’australienne Mirinda Carfrae triple championne du monde Ironman – mais qui sent aussi le souffre : il a été interdit d’entraîner à vie en Australie suite à une affaire d’agression sexuelle sur une athlète mineure qu’il entraînait en natation. La course de Daniela ce samedi est un modèle du genre : elle n’a pas été la plus rapide en natation. Comme l’anglaise Lucy Charles-Barclay est la plus forte du monde en ce moment, Daniela ne s’est pas fatiguée à essayer de rester dans ses jambes. Elle s’est calée derrière d’autres filles qui n’ont pas voulu laisser partir Lucy Charles-Barclay et a ainsi profité du phénomène d’aspiration pour s’économiser aux frais de ces dernières. Ensuite, à vélo, elle a laissé l’agressive mais non moins talentueuse Holly Lawrence produire de gros efforts pour essayer de creuser l’écart.
Daniela Ryf a calmement laissé sa compatriote Imogen Simmonds, l’australienne Amelia Watkinson ou encore la suédoise Lisa Norden se lancer à sa poursuite et tirer le groupe le plus fort possible sur ce parcours vallonné de l’arrière pays niçois. En somme elle les a laissé s’user, physiquement et mentalement. Et puis elle a pris les choses en main à 10-15 km de l’arrivée en prenant la tête, en rentrant la première dans le parc à vélo et en démarrant la course à pied la première, à plus de 2 min de sa première poursuivante, Holly Lawrence. En course à pied, sur le parcours de cette Promenade des Anglais composé de deux aller-retour entre le centre-ville et l’aéroport, elle s’est contentée de conserver son avance et de terminer ce semi-marathon en 1h18′ pour un temps final de 4h23’04 ». Holly Lawrence, elle-même championne du monde en 2016 était visiblement très déçue de ne pas renouer avec la victoire d’autant qu’à l’inverse de Daniela Ryf, elle n’est pas du tout présente sur le circuit Ironman.
La Suissesse sera quant à elle présente sur la ligne de départ du World Championship d’Hawaii, Kona le 12 octobre prochain pour espérer, là aussi, un 5ème titre mondial, chose que personne n’a jamais fait non plus. Elle nous semble bien partie mais attention quand même à Lucy Charles-Barclay qui va avoir encore plus à cœur de faire tomber sa grande rivale.
Surprise chez les hommes et semi-marathon éclair en 1h08’10 »
Gustav Iden, 23 ans, le vainqueur de la course, avec ses jeunes accolytes Rodolphe « Rudy » Von Berg et Kristian Blummenfelt a mis K.O tous ceux que l’on présentait comme les plus grands triathlètes sur la distance : d’Alistair Brownlee à Sebastian Kienle ou encore Javier Gomez en passant par Sam Appleton ou encore Ben Kanute. Tout ce petit monde termine dans le top 10 mais ce n’est clairement pas ce que les critiques et les observateurs de tous bords avaient pronostiqué. L’absence de l’allemand Jan Frodeno, champion du monde en titre, et qui a préféré se focaliser sur l’Ironman d’Hawaii (préservation de ses force ou vrai aveu de faiblesse ?), a certainement perturbé la hiérarchie mais il y a fort à parier qu’il n’était pas non plus fait pour le parcours difficile à vélo de ce half-Ironman de Nice fait de côtes, de relances et de descentes dangereuses.
En somme, c’est une génération qui s’en va (Sebastian Kienle et le belge Frédérik Van Lierde, sans oublier Patrick Lange qui est complètement passé à côté et ne va pas aborder Kona en confiance), des athlètes hissés au rang de dieux vivants en ITU mais qui n’y arrivent décidément pas sur Ironman (Alistair Brownlee, Javier Gomez), des très bons qui se battent bien mais n’ont pas ce petit plus qui fait la différence (Sam Appleton, Josh Amberger, Ben Kanute).
Les athlètes qui se sont fait particulièrement remarquer ce dimanche n’ont eu aucun scrupule à ridiculiser les stars précitées que sont Sebastian Kienle, Frédérik Van Lierde et Patrick Lange. Rodolphe Von Berg, un italien naturalisé américain, Gustav Iden un norvégien dont on avait pas vraiment entendu parler, sans oublier un Kristian Blummenfelt décidément très en forme, il est le recordman du monde de la distance que les critiques avaient quand même bien enterré trop tôt sont trois garçons qui n’ont pas fini de nous faire vibrer et c’est tant mieux.
Place aux jeunes ! Pour terminer, la grande finale du 12 octobre que tout le monde attend est on ne peut plus ouverte : en étant absent, Jan Frodeno envoie autant de signes forts que d’aveux de faiblesse. Sebastian Kienle a certes bien fini ce 70.3 en course à pied mais il était largué à vélo et en natation. Alistair Brownlee va débarquer à Hawaii en doutant, une fois de plus de ces capacités. Javier Gomez qui a pris une grosse claque ne sera pas tellement plus serein. D’autant que des David McNamee ou Lionel Sanders peuvent largement venir jouer les troubles fêtes pendant des longs, très longs, km.
Vivement le 12 octobre !
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