
Comment reprendre l’entraînement après le Coronavirus ?
Par la rédaction, en collab’ avec l’Université Côte d’azur et le laboratoire Motricité Humaine Expertise, Sport Santé – LAMHESS. Photos © Unsplash
Il est tout a fait exact de noter que dans le contexte d’urgence de pandémie du COVID-19 dont les formes les plus graves touchent principalement les personnes de plus de 60 ans et celles atteintes de pathologies chroniques (obésité, diabète…), la question de la santé respiratoire des plus sportifs peut sembler secondaire, voire carrément sans importance. C’est pourquoi nous avons demandé à Valérie Bougault, Maitre de conférence à l’Université Côte d’azur (laboratoire Motricité Humaine Expertise, Sport Santé – LAMHESS) de nous expliquer les conséquences du Covid19 sur les sportifs et plus particulièrement sur leur santé respiratoire, sur leur système immunitaire mais également sur le statut des sportifs professionnels qui intéresse quelques-uns d’entre nous dont notre bon Thibaut Baronian (@thibaut_baronian).
COVID-19 : la santé respiratoire des plus sportifs est un élément essentiel de bonne santé.
L’actualité nous montre donc que ces questions sur la santé respiratoire des plus sportifs se posent de manière aigüe. « Si nous disposons de certaines données, de nombreuses questions essentielles restent en suspens depuis les années 80. La santé respiratoire des sportifs est un paramètre oublié dans la structuration, de la performance, malgré les preuves scientifiques démontrant son importance » explique ainsi Valérie Bougault. « On ne s’en occupe qu’à partir du moment où se développe une symptomatologie chronique que l’athlète a lui-même/elle-même identifié comme gênante, plutôt que d’agir en amont et en prévention. Mais ne généralisons pas au monde entier, car certaines équipes étrangères ont bien compris l’intérêt de cette prise en compte ».
Comment planifier votre déconfinement
« Les questions liées à la maladie chez le sportif s’orientent principalement autour des décisions de poursuivre l’entraînement ou pas (et sous quelle forme) ; des problématiques de contagion au sein des équipes ; de la potentielle influence de l’exercice physique sur la sensibilité aux infections, et de l’établissement de lignes directrices structurant le retour de l’athlète guéri à la compétition. Elles sont mises sur le devant de la scène avec l’actualité du COVID-19 et la planification du déconfinement. Elles ne se sont pas nouvelles, et des recommandations existent déjà pour éviter le risque de maladies respiratoires, qui perturbent fréquemment les performances des sportifs lors de leurs compétitions principales. Cependant, le contexte actuel est inédit, et la réduction massive de toute activité pour les athlètes professionnels a elle aussi des implications considérables pour leur santé. La quasi-totalité des grands événements sportifs internationaux, y compris les Jeux olympiques, a été au mieux reportée sinon annulée et les sportifs français sont confinés à leur domicile ».
« Il est communément admis que s’entraîner régulièrement à un volume et une intensité modérés est associé à une diminution générale du risque d’infection des voies respiratoires (cf. recommandations de l’organisation mondiale de la santé), tandis que des niveaux d’activité physique insuffisants semblent être associés à un risque accru de contracter ces infections (association en forme de U inversé). Pour les athlètes de compétition, il est nécessaire et habituel d’effectuer des séances à haute intensité pour optimiser les gains d’entraînement. Or, les charges d’entraînement de très haute intensité, avec ou sans augmentation soudaine de la charge d’entraînement, peuvent être associées à des perturbations immunitaires transitoires, avec inflammation et stress oxydant. Le risque accru d’infection (et de contamination virale, dont le COVID fait partie) lié aux périodes d’entraînement à haute intensité peut donc apparaître préoccupant en contexte pandémique, mais cette préoccupation devrait surtout être circonscrite au cas des athlètes récréatifs non compétitifs. La littérature scientifique suggère en effet que les athlètes de haut-niveau accoutumés aux hautes intensités peuvent continuer à s’y entraîner sans risque accru de maladie, à condition qu’il n’y ait pas d’augmentation soudaine de leur charge d’entraînement (volume et intensité), ou d’état de fatigue à long terme déjà installé ».
Attention à une reprise trop intense de l’entraînement
« Attention aussi au décalage de charge qui pourrait apparaître entre l’entraînement réalisé à la maison pendant la quarantaine et celui qui se fera en extérieur lors du déconfinement. Les compétitions qui pourraient avoir lieu avant la fin de l’année 2020 revêtiraient alors des enjeux encore plus importants que d’habitude pour beaucoup de sportifs. Sur une période plus courte, il s’agira par exemple de réaliser la performance nécessaire à une qualification aux JO de Tokyo, ou encore de se montrer à la hauteur d’un contrat professionnel pour 2021. Dans ce contexte, la tentation de reprendre l’entraînement au maximum sera très forte pour certains, les rendant alors davantage susceptibles aux infections (et aux contre-performances, ainsi qu’aux blessures) ».
« En sus de la problématique de la charge d’entrainement, les critères environnementaux seront à prendre en compte lors de la reprise. On ne peut présager de l’évolution de la qualité de l’air mais si elle se dégrade de manière abrupte avec le déconfinement, cela pourra ajouter un fort stress oxydant sur le système respiratoire des sportifs, qui pourrait s’ajouter à celui de l’entraînement des premiers jours et des premières semaines. Or il est fort possible que ce stress augmente la susceptibilité aux infections. Il en va de même pour les nageurs qui seront à nouveau exposés très régulièrement au chlore ».
« Le risque de transmission de COVID-19 pendant l’entraînement est par ailleurs accru dans certains milieux sportifs où les athlètes s’entraînent en groupe, pratiquent des sports de contact, n’adhèrent pas aux directives universelles pour la distanciation sociale, utilisent des équipements partagés, ne pratiquent pas les directives universelles pour maintenir une hygiène personnelle, et utilisent des installations communes telles que les vestiaires. Dans certains sports, notamment ceux pratiqués individuellement en pleine nature, le risque de contracter le COVID-19 est faible, et c’est une fois de retour à la maison qu’il faudra être vigilant aux règles d’hygiène ».
Ne pas négliger une période de repos suffisante
Il est indispensable d’adopter une stratégie de retour en compétition prudente : « Il n’existe pas de données spécifiques sur la prévalence, la nature et le comportement des maladies liées à ce virus chez les sportifs. L’une des principales préoccupations des auteurs (Hull et al. 2020) est l’identification du moment du retour à la capacité de reprendre un effort physique complet après une infection. Chez les athlètes, les décisions de retour à la compétition, dans le contexte d’une maladie respiratoire, sont généralement prises au cas par cas. En général, ils continuent à faire de l’exercice (parfois en diminuant l’intensité selon la sévérité des symptômes) si leurs symptômes et leurs signes cliniques se limitent aux voies aériennes supérieures. La base scientifique de cette recommandation est faible, et le risque potentiel de développer à moyen ou long terme d’autres complications avec un retour précoce à l’entraînement intense n’est pas nul. Parmi ces risques, le plus important est le risque de myocardite (bénigne dans la majorité des cas mais nécessite une hospitalisation pour prévenir le risque de complications cardiovasculaires graves, ndlr) ou de lésion myocardique, qui pourrait être un risque dans l’épidémie actuelle ; les données publiées des cohortes d’infection COVID-19 semblent indiquer une prévalence certaine de lésions myocardiques (avec élévation de la troponine), et un nombre croissant de cas de myocardite. Sur cette base, et compte tenu des preuves d’un risque de détérioration tardive, Hull et al. (2020) recommandent de recourir à une période de repos suffisante et à une stratégie de retour en compétition prudente (par exemple, ≥10 jours à partir de l’apparition des symptômes plus 7 jours à partir de la résolution des symptômes). Cette stratégie ne sera pas immédiatement pertinente pour les athlètes qui sont isolés ou qui n’ont pas d’objectifs de compétition prévus ; néanmoins, à mesure que la pandémie évolue, il y aura probablement des athlètes qui contracteront le COVID-19 et seront amenés à se poser ces questions ».
Quand être en bonne santé, ce n’est pas seulement ne pas attraper ce virus.
La poursuite de l’entraînement est un élément important pour protéger la santé mentale des athlètes, en particulier pour réduire le risque d’anxiété et de dépression. Les sportifs de haut-niveau sont engagés dans de longues périodes de préparation minutieuse pour les compétitions internationales, pour lesquelles ils mettent en jeu la grande majorité de leurs ressources mentales (a fortiori à l’approche des Jeux Olympiques). L’arrêt brutal de leur activité et la disparition des objectifs qui structurent leur vie de manière importante ne sont pas sans effets.
Pour certains sportifs professionnels, les conséquences économiques des annulations et reports de compétition impliquent un risque important de perte de leur statut, par perte de leurs contrats, faillite de leur équipe… C’est ici la possibilité de participer à des compétitions du plus haut niveau qui pourrait disparaître pour eux, et ne plus jamais se présenter. Ainsi, l’annulation ou le report des compétitions, nécessaire du point de vue de la santé internationale, pourrait avoir par ramification des conséquences immédiates et à moyen terme importantes pour la santé mentale de certains athlètes. En outre, les structures d’accueil des athlètes de haut niveau sont pour la plupart fermées actuellement, les confrontant à une période d’isolement considérable, potentiellement loin de leur domicile, ainsi qu’à un temps inoccupé excessif et à l’absence d’entraînement ou d’objectif de travail clair.
Votre santé respiratoire est donc la pierre angulaire de votre performance
La pandémie de Covid 19 et l’étude des différents scénarios de son évolution et de déconfinement social remettent sur le devant de la scène la santé respiratoire et l’immunité du sportif. Les maladies respiratoires dans l’ensemble sont un problème majeur pour les services médicaux aux athlètes, l’infection des voies respiratoires étant la principale cause de consultation médicale non liée à une blessure, associée à une perte importante de temps d’entraînement et une contre-performance en compétition dans les cohortes d’athlètes d’élite. Il est donc encourageant que le Comité International Olympique ait déjà réuni un groupe d’experts pour traiter les questions plus larges relatives à la santé respiratoire des athlètes, qui vise à publier dans un avenir proche des conseils fondés sur des données probantes. Affaire à suivre…
À propos de l’auteur
Valérie Bougault est actuellement MCF-HDR en STAPS à Université Côte d’Azur, Nice, spécialisée en sciences de la vie (physiologie, santé). Elle est reconnue à l’international pour ses travaux sur la santé respiratoire chez le sportif en lien avec la qualité de l’air et est régulièrement invitée à participer à des congrès internationaux et groupes de recherches/publications dans ce domaine. Elle fait partie du programme VADER (Center for Virtual Modeling of Respiration), financé par l’IDEX UCAJedi et dirigé par Benjamin Mauroy, qui a pour objectif l’émergence d’un centre de référence national et international sur le sujet de la modélisation mathématique et numérique de la respiration en s’appuyant sur des thèmes originaux.
À propos d’Université Côte d’Azur
Université Côte d’Azur est une Université dite expérimentale qui depuis le 1er janvier 2020 s’est substituée à l’Université Nice Sophia Antipolis et à la Communauté d’Universités et Etablissements (ComUE) Université Côte d’Azur. Le décret portant sa création a été publié le 26 juillet 2019 au Journal Officiel. Lauréate en 2016 d’une initiative d’excellence, Université Côte d’Azur se place parmi les grandes universités de recherche françaises. Structurée en composantes internes dont les responsabilités sont accrues, adossant l’ensemble de ses missions à l’excellence de sa recherche, fortement ancrée sur son territoire, associée aux plus grands acteurs nationaux de la recherche, l’Université Côte d’Azur entend ainsi rayonner à l’international et se placer parmi les meilleures universités européennes. Infos :
Lien vers l’association des chercheurs en activités physiques et sportives :
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