
Courir et ne pas faire d’erreur en alimentation, 1ère partie
Par la rédaction, avec Magdalena Lewy-Boulet. Photos : Unsplash, Scott Rokis, Kane Cullimore, Lacy Wittman pour Canyons Endurance Runs by UTMB®.
La chaleur est l’ennemi du coureur à pied. L’alimentation, à l’entrainement ou en compétition, est également source de sérieux problèmes. Combinez les deux et c’est de gros risques de plantade. Pour nous aiguiller sur les bonnes habitudes, les bons gestes et les méthodes sûres qui ont fait leurs preuves de la Western States® à l’UTMB, nous avons demandé à notre amie Magdalena Lewy-Boulet, une nutritionniste Américaine d’origine polonaise devenue cette année la présidente de GU, de nous prodiguer ses conseils avisés. Notons que Magda est aussi athlète Hoka. Conseil d’expert en veux-tu en voilà.
Le couple chaleur et course à pied est un enfant terrible. Il est capable de mettre à sac les estomacs mieux que personne. Un estomac qui ne fonctionne plus, un transit qui se coince, une soudaine impossibilité d’avaler quoi que ce soit et ce sont non seulement les muscles qui ne sont plus alimentés mais c’est aussi, moins drôle, les nausées, le ventre lourd et souvent l’arrêt d’urgence qui pourrait même aller jusqu’à vous empêcher de continuer. Pour ceux qui ne connaîtraient pas Magda, sachez qu’elle vaut 2h26’ sur marathon et a entre autres gagné la Western States® 100-Mile Endurance Run en 2015 puis terminé seconde en 2017 (derrière Cat Bradley). Magda a également remporté le Marathon Des Sables en 2018 ainsi que le Leadville Trail 100 Run en 2019, une course de montagne de 100 miles qui se court en haute altitude et dans le Colorado. Notons qu’elle a aussi gagné deux fois la course Canyons Endurance Runs à Auburn en 2015 et 2016, avant que cette épreuve ne devienne « by UTMB® ». Comme l’écrit dit Billy Yang, jeune filmmaker Américain membre du bureau directeur de la Western States®, dans la présentation de l’un de ses films plus bas : « Olympienne. Immigrant. Mère. Professionnelle. Femme. Championne ». Voici son interview exclusive et les réponses à toutes les questions que vous vous poser sur l’alimentation dans la chaleur. Sujet en deux parties.
Le Blog Endurance Shop : Si l’on reste sur les problématiques liés aux distances, les besoins en alimentation sont-ils les même selon les différentes épreuves de course à pied : les semi-marathons, les marathons et les ultras ?
Magdalena Lewy-Boulet : Nos besoins répondent avant tout à une question d’intensité de pratique, et de durée aussi bien sûr. Sur les distances les plus courtes, les coureurs recherchent souvent à produire une intensité plus élevée. Ces efforts nécessitent une distribution du flux sanguin plus grande vers les muscles. Cela signifie qu’il y a moins de sang disponible pour aider le tube digestif à absorber ses nutriments. L’objectif principal du coureur dans ce cas, c’est d’allier ces efforts d’intensité plus élevée avec une alimentation en glucides faciles à digérer. Cela afin d’éviter les problèmes gastro-intestinaux. Les options nutritionnelles qui incluent des graisses, des fibres et des protéines seront, toujours dans ce cas d’effort intense et court, plus difficiles à digérer. À l’inverse, pendant les ultramarathons, le rythme est plus lent et donc le flux sanguin vers le tube digestif moins touché. Vous pouvez donc dans ce cas vous permettre d’aller vers des d’options de « vraie nourriture ». C’est particulièrement vrai lorsque le temps est frais.
Le Blog Endurance Shop : Pendant un semi ou un marathon, ça donne quoi ?
Magdalena Lewy-Boulet : Sur ces deux distances, il faut viser entre 30 et 60 grammes de glucide (120-250 kcal) par heure. Il faut commencer à vous alimenter dès les premières 30 minutes de la course et renouveler votre apport glucidique toutes les 20-30 minutes. Vous pouvez vous alimenter avec des boissons, des gels, des bonbons de la performance que l’on appelle encore des « chew » chez GU (du verbe macher en anglais, ndlr) ou encore d’autres produits de nutrition sportive plus solides, à partir du moment où vous pouvez les tolérer d’un point de vue gastrique. Pour en être sûr, c’est toujours une bonne et riche idée de les essayer à l’entraînement.
Le Blog Endurance Shop : Quelle est maintenant la meilleure stratégie nutritionnelle à mettre en pratique durant les ultras, qu’ils soient en route ou en trail ?
Magdalena Lewy-Boulet : Pendant les ultramarathons, puisqu’ils sont sur le terrain un temps beaucoup plus long, les coureurs doivent logiquement viser un apport nutritionnel supérieur. Si on entraîne une fois de plus son estomac, il est possible de tolérer jusqu’à 90 grammes de glucides (environs 350 kcal) par heure. Il faut garder en tête que l’ultra running est une discipline bien à part : il existe en effet une plus grande tolérance et une plus grande souplesse dans l’alimentation étant donné les intensités de course qui sont moins importantes. Une autre bonne idée c’est de se renseigner avant sur ce que les organisateurs proposeront sur les ravitaillements de l’épreuve que vous visez. Cela afin de vous entraîner avec ces mêmes aliments les semaines et les mois précédent l’épreuve. On y trouve souvent des morceaux de pommes de terre bouillis et salés, des chips ou encore des morceaux de sandwich. Attention, souvenez-vous que les fibres et les graisses ne doivent jamais être absorbées en trop grande quantité sur ces épreuves. Elles pourraient ralentir la digestion et donc vous rendre la tâche plus difficile. On retrouve les mêmes effets néfastes que sur les distances plus courtes à plus haute intensité. Toutefois, il est également important de noter qu’un peu de graisses et de protéines peuvent apporter un autre goût au coureur d’ultra, ce qui va être source de plaisir et peut avoir un impact positif à plus long terme sur votre épreuve.
Le Blog Endurance Shop : Concentrons-nous maintenant sur la chaleur. Quelles sont les différences dans ce que vous venez de nous expliquer entre un climat tempéré et de fortes chaleurs, comme on en rencontre en Europe en ce moment et comme les coureurs en rencontrent chaque année sur la Western States® et parfois dans les vallées sur l’UTMB de Chamonix ?
Magdalena Lewy-Boulet : De même que pour les courses à haute intensités dont je vous parlais plus haut, faire de l’exercice physique en pleine chaleur rajoute du stress sur le système cardiovasculaire et fait augmenter les défenses naturelles du corps. C’est par exemple le fait de suer et d’augmenter le débit sanguin vers la peau pour favoriser le refroidissement par évaporation*. Ce type de défenses naturelles ajoutent du stress à votre système digestif. Car il est là encore logiquement moins alimenté en sang. Il n’est pas rare de ressentir des crampes à l’estomac ou des nausées. Pour conserver une bonne perméabilité gastrointestinale dans la chaleur, il faut rester au top question hydratation mais également ingérer des glucides (entre 30g et 60g par heure). On peut aussi prendre des électrolytes, en plus de ceux déjà présent dans vos boissons de sport, vos gels et autres chews. Il faut de toute façon s’entraîner à courir dans la chaleur et ne pas se lancer sur une épreuve de ce type sans expérience.
Le Blog Endurance Shop : Concrètement ça veut dire quoi ?
Magdalena Lewy-Boulet : Et bien cela veut dire qu’il faille essayer, tester sa stratégie nutritionnelle avant l’épreuve pour affiner ce qui fonctionne et ne fonctionne pas pour vous. En général, le parfum qui fonctionnent bien sous la chaleur sont ceux comme le citron ou autres fruits aux parfums acides et puis aussi les produits auxquels on a rajouté du sodium. Chez GU, nous avons par exemple développé récemment les gels « salted watermelon », autrement dit pastèque salée, mais également les « salted lime », c’est-à-dire citron vert salé, que l’on propose en gel ou en petits bonbons type chews.
Le Blog Endurance Shop : Pendant la Western States® 100-Mile Endurance Run, une course souvent chaude rappelons-le, mais également une course de 100 miles (160,9 km) qui se court beaucoup plus rapidement qu’un UTMB, quelles sont les erreurs les plus courantes que vous et votre équipe avez pu constater sur le terrain chaque année ?
Magdalena Lewy-Boulet : Il y a d’abord les coureurs qui commencent à s’alimenter et s’hydrater beaucoup trop tard. Il y a aussi ceux qui négligent les effets de l’altitude sur l’appétit, leur digestion ou encore la perte de fluide de leur corps.
Le Blog Endurance Shop : C’est bien un point intéressant, nous y revenons dans la question d’après.
Magdalena Lewy-Boulet : Je peux aussi témoigner de ceux qui négligent les effets de la chaleur et les erreurs liés à leur hydratation et le besoin des corps en électrolytes, en sodium notamment. Ce que nous voyons aussi se passer parfois aux ravitaillements, c’est le coureur qui arrive en mode « découverte » ou « panique » et improvise : il va tester des tas d’aliments nouveaux pour lui, se faire plaisir. Ce n’est pas toujours une erreur rédhibitoire bien sûr mais cela ne pardonne généralement pas quand le coureur va choisir des aliments riches en protéines ou en graisses. C’est dans la veine de ces autres coureurs qui ne prennent pas en compte la lassitude voire le dégoût de certains parfums de nourriture et qui n’ont pas préparé dans leurs affaires, leurs sacs à dos ou leur drop bag d’autres parfums, d’autres goûts. Je précise encore que concernant GU, nous avons créé un partenariat avec la WS100 lors du lancement du gel Roctane Salted Lime. Non seulement c’est un parfum spécialement créé pour soutenir les athlètes dans leurs performances les jours de grosses chaleurs et sur des longues distances mais c’est aussi l’occasion pour la marque de reverser une partie de ses bénéfices à la WS100 qui va les utiliser pour financer des recherches médicales ou les travaux concernant l’entretien des trails qu’emprunte la course.
Le Blog Endurance Shop : Vous avez participé aux deux courses, la WS100 et l’UTMB. Quelles sont les principales différences en nutrition quand on va être dans la chaleur pendant 30h maximum en Californie et sur les sentiers de l’UTMB pendant parfois plus de 40h et avec une météo changeante ou même imprévisible ?
Magdalena Lewy-Boulet : Et bien là encore je rappellerai que des chronos plus rapides, une intensité supérieure et un terrain plus roulant, signifie qu’il sera plus difficile pour le coureur d’assimiler sa nourriture. À l’inverse, à l’UTMB, le rythme est souvent plus lent, la course se fait sur un terrain plus montagnard où vous allez davantage pouvoir, et devoir, marcher. Dans les deux cas il vous faudra savoir absorber des calories tout en avançant mais dans le second cas, parce que vous êtes de nuit, en altitude et sur des terrains plus techniques où c’est donc plus dur de courir, vous allez certainement pouvoir aller piocher davantage du côté des aliments solides, parfois salés que vous trouvez sur les ravitaillements. Les gels et les boissons de sport vont vous fournir une énergie rapide et facilement assimilable pour aller chercher de l’intensité. Cela veut dire que vous pourriez favoriser ce type d’alimentation à l’approche des parties dures du parcours, comme ces gros cols qui explosent les jambes et coupent le souffle. La nuit, dans le froid, vous avez généralement moins soif. Ce qui veut dire que vous ne devez pas là compter sur une alimentation énergétique uniquement en liquide. Pensez donc là encore au solide. De même, quand il fait plus froid, les parfums type chocolat, vanille ou caramel sont souvent plus appétissants.
* Le refroidissement par évaporation : c’est une réduction naturelle de la température ambiante du corps résultant de l’évaporation de la sueur. Le fonctionnement est aussi simple que génial : vous courrez, vous avez chaud et vous vous mettez donc tout naturellement à transpirer. La sueur s’accumule sur votre peau. Lorsque la chaleur de l’air extérieur est appliquée à votre sueur elle provoque l’évaporation de ses molécules d’eau. C’est à dire qu’elle se transforme en vapeur. Cette vapeur étant plus froide que l’air ambiant, elle crée alors naturellement une sensation de refroidissement.
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