
David Hauss. Première rencontre.
Par la rédaction. Photos © Compressport®, Oriol Batista, Justin Galant, Unsplash
On ne connaissait pas personnellement David Hauss. Ses résultats sportifs de triathlète professionnel parlent pour lui : des titres mondiaux au début des années 2000 chez les juniors, une 4ème place aux JO de Londres juste derrière les frères Brownlee, Javier Gomez mais devant Jan Frodeno et un autre français malheureusement depuis disparu à l’âge de 31 ans : Laurent Vidal. Aujourd’hui, David Hauss, 36 ans s’est reconverti en trail runner professionnel (notamment pour Compressport® : leblog.enduranceshop.com/?s=compressport). À l’occasion de la sortie du film Dada*, nous l’avons rencontré.
David Hauss est né à Paris mais a passé son enfance sur l’île de la Réunion. Normal qu’il s’intéresse au Grand Raid de la Réunion. Il y participe pour la première fois en 2019 et termine 6ème. Toujours posé, très maître zen, David a partagé avec nous son amour de la nature et de son île somptueuse.
Le Blog Endurance Shop : Ce film évoque votre changement de carrière sportive, en passant du triathlon distance olympique à l’ultra-trail. Êtes-vous nostalgique de ce choix ?
David Hauss : Non je ne suis pas nostalgique… du tout ! Surtout quand je vois les courses se dérouler aujourd’hui, je suis content d’être passé à autre chose. Ce fut une longue et belle période de ma vie, avec beaucoup d’aventures passionnantes, de belles personnes rencontrées, notamment la femme qui aujourd’hui partage ma vie. Mon projet était fort vers les Jeux Olympiques avec tout le process qui va avec, un investissement de tous les instants sur plusieurs années. Je crois avoir fait le tour et j’avais besoin de nouveaux challenges pour rester motivé. Je suis donc heureux aujourd’hui d’être passé à autre chose, d‘être dans un sport qui me correspond plus je crois, qui est plus en phase avec mes valeurs et ma vision de la vie. J’éprouve beaucoup de bonheur à me retrouver en nature seul ou en partage, cela n’a pas de prix !
Le Blog Endurance Shop : Quels sont pour vous les plus grosses différences entre ta pratique de triathlon et de trail-running ?
David Hauss : Question difficile, ce sont 2 sports qui demandent beaucoup de temps, beaucoup d’investissement. pour être performant voire même se faire plaisir. L’aspect mental en Trail est d’autant plus important sur les ultras car on passe forcément par des états de fatigue, d’agonie prononcée. Il faut être capable de s’en dépêtrer en trouvant les moyens d’aller de l’avant, de positiver, de finir souvent…En triathlon on est beaucoup plus axé sur le temps, les chiffres, les données. L’entraînement se déroule selon des allures bien précises à respecter, on perd plus rapidement la notion de plaisir car on reste obnubilé par le travail demandé. Les sensations peuvent passer au second plan. Une journée d’entraînement se traduit bien souvent par 3 sessions en un jour, certes plus courtes mais il faut être capable d’y aller encore et encore. Avec le Trail et la course à pied il est difficile d’augmenter la charge de manière démesurée alors personnellement mes semaines sont moins conséquentes qu’auparavant, ce qui me laisse plus de temps pour la famille aussi. C’est fort appréciable.
Le Blog Endurance Shop : Comment voyez-vous la suite disons dans 5-10 ans ?
David Hauss : Dans 5 ans si j’aborde le côté sportif, je me vois continuer de voyager avec ma famille, mes fils, qui seront alors en âge de partager bien plus de choses qu’aujourd’hui. Je pense continuer la compétition car cela donne un sens à ma vie, une ligne directrice qui sans celle-ci demeure fade et sans relief. Alors je serai certainement moins dans la recherche de performance qu’aujourd’hui mais j’aime foncièrement ça alors pourquoi s’en priver sous peine d’arriver à un certain âge ! Dans 10 ans ou plus loin encore, j’aimerais traverser des pays, des sites emblématiques de notre planète Terre pour une cause juste, pour transmettre des valeurs que ce soit à la nage, en vélo ou en course à pied, partir à l’aventure et aller à la rencontre des gens en réalisant des mini docu peut être ! Cela me plairait beaucoup.
Le Blog Endurance Shop : La Réunion vous fait rêver mais n’y a-t-il pas d’autres courses d’ultra trail qui vous tentent comme par exemple l’UTMB à Chamonix, la Hong Kong 100 ou encore la Western States et la Hardrocks aux USA par exemple ?
David Hauss : Si, beaucoup d’entre elles me font rêver ! Lorsque j’ai décidé de me tourner vers le trail il y a quelques années, c’est parce que je souhaitais des challenges nouveaux, des challenges différents mais aussi j’estimais avoir fait un peu le tour en triathlon courte distance. Et notamment de refaire les mêmes courses chaque année m’ennuyait quelque peu. En trail, au-delà de l’aspect aventure, je trouvais cool l’idée de pouvoir courir partout à travers le monde dans des endroits parfois insolites et avec l’essor que connaît cette discipline, les courses continuent de se multiplier. Ce qui offre un large choix pour découvrir de nouveaux sites, de nouveaux pays et les cultures qui vont avec ! Le prochain rêve que je peux avoir serait d’accomplir une course pleine ponctuée par une victoire un jour sur la Diagonale des Fous. C’est une course qui m’est chère depuis que je suis petit. Une des plus dures courses au monde aussi. Ce serait incroyable d’y parvenir. Étant en bonne forme en ce moment, j’ai regardé pour aller courir à Hong Kong dès janvier mais la crise sanitaire n’offre pas de réelle course donc j’ai abandonné l’idée. Sinon, je prévois d’aller faire un tour à Madère en Avril pour le MIUT puis je découvrirai entre autres l UTMB cette année. La Western State est une course que je veux faire absolument dans les prochaines années car les conditions climatiques et le profil de course peuvent me convenir. J’aime aussi ce côté ouest américain et s’imprégner de la culture ultra aux US est une chose que j’aimerais revivre dans ma carrière en tant que trailer cette fois-ci. C ‘est une course qui me motive profondément. J’aimerais aussi beaucoup participer UTMJ au japon…Je suis nouveau dans ce sport et beaucoup de courses m’attirent en fait !!!
Le Blog Endurance Shop : Vous avez sûrement suivi la tentative ratée de Kilian Jornet sur 24h. Il a été un grand champion mais à quoi pensez-vous quand vous le voyez se fixer des objectifs très (très) difficiles comme ce 24h ou bien encore un 10 km avec les frères Ingebrigtsen…n’est-il pas en train de se griller avec des objectifs trop ambitieux ? Vous comprenez sa position ?
David Hauss : J’adore voir les athlètes aller sur des terrains inconnus, partir à l’aventure, à la découverte de leurs propres possibilités, ne pas se fixer de limites, chercher à les repousser encore et encore. C’est quelque chose que je respecterai toujours. Se confronter à d’autres dans une discipline qui n’est pas la sienne, c’est se mettre en danger quelque part, sortir de sa zone de confort réellement…C’est fascinant je trouve. Ce n’est pas donné à tout le monde et cela prouve toute la grandeur de ce garçon qui après un nombre de victoires incroyables pourrait très bien en décider autrement et rester dans sa montagne.
Je trouve captivant l’idée de changer d’activité, de sport, de chercher à se renouveler sans cesse et apprendre à se redécouvrir, plutôt que de remporter 10x la même compétition ou le même titre chaque année bien que la performance en soi reste extraordinaire. C’est aussi mon histoire personnelle, guidées pas des challenges personnels mais en l’occurrence Kilian lui remet tout en question, tout à plat pour continuer d’avancer sur son chemin de vie, de trouver de nouvelles motivations et continuer d’inspirer le plus grand nombre. Il est un exemple pour beaucoup et a dépassé le cadre de son sport. Il est une légende alors on ne peut que respecter ses choix car il y une histoire qui va avec et ainsi l’encourager vers cela.
Le Blog Endurance Shop : un mot sur la compression svp. Comment vous l’utilisez (pendant, après ?) et pour quels effets sur quels muscles exactement ?
David Hauss : J’utilise principalement la compression en compétition notamment avec les manchons R2 Oxygen qui m’apportent un grand bien fait après 4-5h de courses et me protègent aussi contre les herbes hautes ou toute autre attaque naturelle du parcours… Aussi avec le Trail running Short je retrouve des jambes mieux contenues et une bonne tenue musculaire des cuisses sur les fins de courses, passé les 100 km par exemple….Sinon après les grosses séances d’entraînements ; en bosse, tempo ou de piste j’applique un protocole de récup qui ne varie pas beaucoup depuis le temps ; collation, douche froide, jambes en l’air 15′ avec chaussettes de compression. C’est le combo gagnant pour moi dans les grosses périodes d’entraînement, cela me permet de mieux enchaîner les jours d’après. Puis enfin dans les longs voyages, inutile de mentionner les heures gagnées de récup à la descente d’une nuit d’avion… Les jambes ne gonflent quasiment pas et c’est bien plus sympa comme ça !
Le Blog Endurance Shop : Quelles sont vos forces dans ce sport de l’ultra trail que vous tirez de votre ancienne pratique de triathlète pro ?
David Hauss : Je me considère comme en apprentissage toujours, je me suis donné 4 ans lorsque j’ai basculé vers le Trail en 2017 pour « apprendre le métier ». On y arrive doucement mais quelques erreurs peuvent encore me coûter cher ! Cela dit je bénéficie d’une vitesse de base relativement élevée pour un trailer avec des records à 14’15 sur 5000 ou 29’40 sur 10km, cela me permet de bien pouvoir relancer sur les parties rapides, quand j’ai encore les cannes . C’est aussi quelques choses que je travaille beaucoup à l’entraînement car même si je sais que je ne gagnerai pas les courses grâce à une vma de 21,5 cela peut aider ! Il me faut travailler la résistance musculaire en montée comme en descente dans le très raide pour gagner de la force dans les cuisses. J’ai aussi la chance d’être plutôt robuste physiquement sans jamais trop me blesser. Je suis quelqu’un de déterminé lorsque j’ai un objectif en tête et suis capable de m’entraîner beaucoup pour y parvenir. J’ai appris à me faire mal en triathlon alors je pense être capable de repousser loin mon seuil d’inconfort et de douleur.
Le Blog Endurance Shop : est-ce que vous faites toujours du vélo (et de la natation ?) pour préparer vos longues distances à pied et pourquoi ?
David Hauss : Oui je roule encore pas mal, entre 5 et 6000km par an, cela m’aide à maintenir des volumes d’entrainements intéressanst tout en limitant bien sur l’impact répété du martellement des pieds sur le sol en course à pied. Cela permet de travailler la force bien sûr, l’endurance de force dans les longues sorties pas trop sollicitantes. Je trouve cela vraiment complémentaire dans un souci d’entrainements croisés avec la CAP. Et j’aime aller rouler tout simplement pour parcourir un grand nombre de kilomètres et continuer d’explorer les alentours. En revanche, je ne nage que très peu à présent, l’été venu peut-être 2-3 fois par semaine 2km mais là aussi dans un souci de relâchement du corps, de relaxation, j’en profite pour travailler la respiration, mon souffle.
*Dada, des Jeux Olympiques à la Diagonale des Fous sera diffusé en exclusivité ce jeudi 17 décembre à 19h00 sur Youtube Premiere. Réservez votre place gratuitement ici : https://bit.ly/dada_themovie
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