
Inov-8 Trail Talon 235
Par la rédaction, avec Gaël Couturier et Anthony La Salandra. Photos © Lacerations, Inov-8.
Trail Talon 235
235g (H et F).
Hauteur talon de 11 mm (H et F)
Hauteur métatarses de 7 mm (H et F)
Drop de 4 mm (H et F)
135€.
La dernière de la série Trail Talon ne cherche pas à cacher son jeu : c’est une chaussure légère, sûre, basse au sol et souple. Elle n’offre donc pas une grosse protection contre les mauvais tours que peut vous jouer le terrain, des rochers pointus ici, des branches coupées là. Sa semelle est fine, très fine. Vous n’en ressentirez que mieux le sol. Pour ceux qui aiment, c’est idéal. Pour les autres, mieux vaut l’utiliser sur courtes distances, à pleine vitesse. Quoi qu’il en soit c’est une chaussure pour amateurs de sensations fortes. Regardons ça attentivement.
C’est la seconde fois qu’on teste une paire d’Inov-8, la marque née en 2003 dans le Nord-Ouest de l’Angleterre, dans la région des lacs, « là où la pluie tombe à l’horizontal, et… plutôt souvent ! » nous ont ainsi témoigné les distributeurs français. Le premier test pour nous remonte à fin 2017. Il s’agissait d’un modèle fort, puissant, presque rugueux mais suffisament amortissant, la Roclite 290 (290g, drop de 4 mm). Le retour de test était là : https://leblog.enduranceshop.com/pourquoi-linov-8-roclite-290-est-un-roc/. « Mais c’est aussi dans ces collines anglaises que se pratiquent les courses dites de Fjell Running » poursuivent nos petits français. Les courses de quoi ? « Le Fjell Running ce sont des montées et des descentes successives sur des collines de pâturage, bien humides, glissantes à souhait et dont, à force, le cumul de dénivelé finirait presque par rivaliser contre les plus gros trails de montagne de par chez nous » précisent-ils. C’est donc en partie cela qui explique l’ADN de la marque dont l’accroche – et la pose du pied la plus naturelle possible – a toujours été l’une des priorités, comme le rappelle aussi le logo en forme de pied sur la languette (voir photo plus bas). À ce titre, il est important de savoir qu’Inov-8 a récemment développé en collab’ avec l’Université de Manchester l’introduction du graphène dans ses semelles externes. Il s’agit d’un matériau qui donne vie au graphite. « Et c’est unique ! » préviennent-ils encore. Le résultat ? « Plus d’adhérence, plus de longévité, et sans rajouter de poids, au contraire même ! ». Une des propriétés du graphite c’est qu’il peut s’étirer, un peu, sans rompre donc. Même chose pour le caoutchouc des semelles Inov-8 donc. Souvent renommée comme étant une marque « minimaliste », Inov-8 développe en fait des chaussures pour tous, ou presque. Ses drops vont de 0 à 8 mm, et ses épaisseurs de semelles varient, sans toutefois tomber bien entendu dans l’oversize à la Hoka One One.
Inov-8 reste se démarque quand même de ses concurrents en ce sens qu’elle ne s’intéresse pratiquement qu’aux terrains naturels, et si possible boueux, difficiles. C’est une marque pour trailers qui s’est aujourd’hui également intéressé aux autres pratiquant de courses nature, courses à obstacles compris, sans oublier les randonneurs et les ultra trailers. Leurs chaussures 100% route sont quasiment inexistantes. C’est donc un positionnement fort et assumé, même si sur le site web anglais de la marque la répartition des modèles n’est pas toujours si claire que cela et tente vainement – parfois – de vous faire prendre des vessies pour des lanternes. La catégorie des chaussures route, il y a deux modèles et leurs différentes déclinaisons (Parkclaw et Roadclaw) ne ressemblent pas trop aux modèles que nous avons l’habitude de voir chez ses concurrents car les semelles externes Inov-8 sont très agressives et ces modèles, selon nous, sont plus passe-partout qu’habituellement. Ils peuvent donc sans soucis être portés sur des sentiers de terre après un joli jour de pluie. Ce n’est, une fois de plus, rappelons-le, ni bien ni mal. Il s’agit juste d’une constatation de notre part. D’ailleurs, la marque elle-même qualifie ces semelles de : « Aggressive outsole for increased grip ». On n’invente rien. Trailers de courtes ou longues distances, pratiquants de courses à obstacles (ce sont les modèles OCR, Obstacle Course Races, type Spartan Race, Tough Mudder ou encore Total Warrior), de courses d’orientation, de Swimrun et, récemment de Crossfit et autres types d’activités de fitness, Inov-8 vous parle et vous propose ces produits. Toutefois, le vrai savoir-faire reconnu de la marque, reste le grip et des semelles, soyons francs, pas trop épaisses non plus. « Il est quand même vrai qu’Inov-8 privilégie le déroulé naturel du pied, ce qui est normalement ce qu’il y a de meilleur pour le pied et le coureur ! » terminent ainsi encore les responsables français.
La tige
Celle-ci est repirante et souple. Un peu plus large que la moyenne, elle devrait pouvoir accueillir la majorité des pieds sans problème, d’autant que le mesh est large. On le voit tout de suite quand on regarde la chaussure par le dessus : on n’est pas chez Altra mais pas loin. Et c’est bien. Bravo. Cela dit, l’explication tient au fait que la marque a développé son propre système précis d’indication de largeur du chausson interne, allant de 1 à 5, le 1 correspondant au B habituel de beaucoup d’autres marques. La Trail Talon 235 serait au niveau 4, presque la plus large de la gamme anglaise donc. Un 5 serait, d’après la marque, un équivalent du 2E, comme chez New Balance par exemple. La marque avance aussi que sa tige, dans son ensemble, est plus souple et donc plus confortable que sur la version précédente. On ne peut que les croire sur parole. Les designers d’Ino-8 l’ont sans doute retravaillée, oui, mais comme nous n’avions encore jamais testé ce modèle, nous ne pouvons le confirmer. Faisons-leur donc confiance.
Cette tige se divise pour nous en trois parties. La première c’est ce mesh bleu, léger, stretch, agréable. Fragile ? Non, pas fragile du tout. La seconde ce sont ces légères couches de protection du pied sous formes de bandes fines de plastique souple thermo-collées qui ont aussi pour fonction de maintenir le pied bien en place dans la chaussure. La marque l’appelle le système Met-Cradle. Ce maintien reste léger mais suffisant car, une fois de plus, c’est une chaussure pour ceux qui aiment la souplesse, le confort, et la vitesse. Ce n’est à notre avis pas une chaussure pour les longues distances, à moins que vous aimiez les tiges minimalistes. C’est possible. À propos de ces fines pellicules de protections justement, celle du devant du pied, elle est placée sur le dessus de vos bouts d’orteil, est nouvelle. Inov-8 la compare à un pare-choc. Elle l’appelle carrément le « bumper », pare-choc en anglais. Elle n’était pas sur le modèle d’avant. Quant au système de laçage, il est classique, même si les lacets sont interconnectés au système Met-Cradle dont on vient de parler. Le but : plus de maintien, plus de confort, plus de serrage personnalisé. La languette est elle aussi assez classique : ni trop fine ni trop épaisse. Elle ne nous a jamais gênée.
La troisième partie c’est le talon, de couleur noir sur les photos. La coque maintient classiquement le talon au fond de la chaussure mais le plus intéressant ce sont les deux bandes élastiques visibles sur les photos. Ce sont les External Hell Cage, comme les appelle la marque. Il s’agit de deux ajouts de plastique plus rigides collés sur le mesh et qui possèdent une double fonction : maintien du pied bien calé (léger) et protection (renforcée). À noter que ces deux External Hell Cage sont nouvelles et n’étaient pas présentes sur la version d’avant. Pour la maque, elles permettraient de conserver une foulée propre plus longtemps. Voilà. Globalement, voici une bien belle ligne donc.
La semelle intermédiaire
Elle est fine, 10 mm environs (11 mm au talon, 7 mm sous les métatarses). Bien sûr c’est assez ferme sous le pied. Mais c’est fait pour. N’en attendez donc pas un gros amorti protecteur et qui vous pardonne d’avoir posé le pied sur un rocher pointu. Non. Cela dit, le système de mousse d’Inov-8, appelé Powerflow est mis en avant par la marque pour, non seulement, ses qualités d’absorption des chocs mais aussi son excellent retour d’énergie. Autrement dit : pas la peine d’en mettre des tonnes pour ressentir les effets voulus, la douceur et le dynamisme.
Pour plus de précisions, avançons que parmi le système de notation de l’amorti propre à la marque, cette Trail Talon est notée d’une seule flèche. Nous avions déjà décrit ce système dans notre premier article (système « Dynamic Fascia Band™ (DFB) » dans la semelle intermédiaire) mais revoici l’explication (voir photo du dessous) : plus vous avez de flèches, plus vous avez d’amorti et moins vous avez de dynamisme. Moins vous avez de flèches, plus vous avez de dynamisme. Facile.
Enfin, last but not least, le système Inov-8 également à l’oeuvre ici dans la semelle intermédiaire s’appelle le Dynamic Fascia Band™ ou encore DFB™. Il s’étend du milieu du talon (où le ligament éponyme fascia plantaire s’attache) jusque sous les métatarses, à l’extrémité antérieure de la plante des pieds. La technologie est sensée reproduire la position anatomique naturelle de ce ligament fibreux et peu flexible que beaucoup d’entre nous apprennent à connaître quand ils se blessent. C’est la fameuse fasciite plantaire. Le but de ce système qui singe le design naturel de notre ligament est de favoriser le déroulement naturel du pied, de l’accompagner au moment où l’arche est soumise à la plus grande pression. Quand le poids du corps passe sur les métatarses, que la chaussure se plie sous son poids, que la semelle intermédiaire s’étire, les bandes de ce DFB™ apportent une résistance à l’étirement justement. Elles aideraient ainsi à soulager la pression exercée sur le pied. Étonnamment cette semelle n’en est pas plus rigidifiée. Au final, c’est une semelle fine mais technique, qui amorti suffisamment pour les distances courtes ou les coureurs les plus rapides, et reste très souple, mais n’apportera pas le confort des gros amortis qu’on peut aimer retrouver dans d’autres modèles ou d’autres marques et sur les longues distances. Chacun dans ce domaine peut voir midi à sa porte.
La semelle externe
Elle est fine, très accrocheuse mais plus complexe qu’on l’imagine au départ. En effet, son caoutchouc est très clairement divisé en trois parties. C’est aussi la raison pour laquelle la marque l’appelle le mélange Tri-C. Au talon, en noir sur la photo plus bas, c’est le plus dur de tous, celui qui va résister à tous les mauvais coups et va s’user le moins rapidement. Sous les métatarses et le devant du pied, en bleu clair, il est moins dur et permet donc une meilleur accroche. Sur les côtés, en bleu foncé, il est plus souple et facilite les changement de direction. Pourquoi avoir fait ce choix ? Parce que même si la graphène est annoncé par la marque comme une petite révolution, il demeure très difficile de produire un caoutchouc de semelle qui à la fois résiste à l’usure et accroche partout. Pour nous, cette semelle externe fonctionne sans soucis. C’est accrocheur et résistant. Rien à redire, les p’tits anglais ont la maîtrise de leur sujet, même si, quand même on se dit que si ce graphène avait été totalement au point, il n’aurait pas eu besoin de placer trois types de caoutchouc dans la semelle. Passons, gageons qu’ils travaillent d’arrache-pied pour le faire encore bien évoluer. Enfin, pour améliorer la souplesse de ce composé de caoutchouc, cette semelle est découpée sous les points de flexion du pied. C’est un classique des classiques sur les chaussures de running mais ça ne fait pas de mal de le rappeler. Un avant-pied plus souple en semelle, c’est moins d’effort à fournir pendant la foulée. Ça compte !
Bien sûr il y a aussi de beaux crampons mais, contrairement à d’autres modèles de chez Inov-8, ce n’est pas ce qui est déterminant sur ce modèle. Ils ne mesurent que 4 mm d’épaisseur mais sont assez larges et également bien éloignés les uns des autres ce qui évite d’avoir des débris du terrain qui se coincent dedans. Bien vu !
Conclusion
La Trail Talon 235 ne laissera pas indifférent. Soit vous aimerez sa légèreté et sa très grande maniabilité sur tous les types de trails – les modèles Inov-8 sont très bien pensés n’en doutez pas une seule seconde – soit vous n’aimerez pas sa relative protection sous le pied qui vous fait quand même bien ressentir les bosses et les cailloux. C’est une question de goût, une question de style mais la chaussure est sans doute à préférer sur sentiers propres. Boueux oui, mais pas trop caillouteux. Quoi qu’on en pense, cette Inov-8 reste un haut de gamme pour ceux qui n’aiment rien de mieux que les terrains difficiles. Elle fera votre bonheur aujourd’hui sous la chaleur, mais également après l’orage et même sous les petites pluies fines de cet automne. Ah, et ce n’est pas américain ! Ce n’est pas japonais non plus. C’est Européen (pour le moment…Brexit oblige) et ça fait bien plaisir.
Les + : la légèreté, le confort, l’accroche.
Les – : bah non…rien. À la limite le prix. Mais on chipote car la chaussure est bien technique.
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