
La Salomon Gore-Tex® MaXi-Race, 9ème du nom. Retour sur un vrai couac.
Par la rédaction. Photos © Salomon Gore-Tex® MaXi-Race / David Gonthier, Cyrille Quintard.
Sans que l’on ne le leur demande, les organisateurs de la Salomon Gore-Tex® MaXi-Race qui s’est un peu déroulée dans la pagaille avec quelques bons gros dysfonctionnements le weekend du 24-26 mai autour du Lac d’Annecy, répondent aux questions légitimes des participants et des médias. C’est Stéphane Agnoli, le directeur de course, qui s’y colle. Merci à lui. C’est pour le moins courageux. On apprécie. Et c’est un éclairage intéressant sur les difficultés que rencontrent parfois les organisateurs.
Petit rappel des faits : La Salomon Gore-Tex® MaXi-Race c’est 11 formats de course et la première étape coupe du monde de course en montagne pour la Short Race. Nous rappelions ici les deux programmes : https://leblog.enduranceshop.com/la-salomon-gore-tex-maxi-race-en-coupe-du-monde/
« Malgré une météo compliquée, qui a rendu les conditions de course difficiles et changeantes jusqu’au dernier moment, cette édition a été marquée par des « bouchons », notamment sur la XXL-Race, la XL-Race mais surtout sur la Marathon-Race » nous précisent les organisateurs qui s’en sont excusés par l’envoi d’un e-mail aux coureurs le lundi.
Le Blog Endurance Shop : Quelle est la cause de ces bouchons ?
Stéphane Agnoli : En tant que directeur de course, mon rôle est de tout anticiper, mais sur cette édition, je n’ai pas pressenti ce phénomène de bouchon. Selon les retours des coureurs et des bénévoles, plusieurs paramètres se sont conjugués. D’abord, nous avons effectivement pris cette année 300 coureurs de plus que l’année dernière, au départ de la Marathon-Race. L’afflux des demandes a été considérable : pour rappel, cette course a été complète en moins de 10 heures. Nous avons voulu contenter le plus grand nombre. C’était une erreur, et promis, je vais en tirer les leçons et ne suis pas près de dire « oui » à une quelconque demande hors quota, qu’elle provienne d’un coureur, d’un média ou d’un VIP. Ensuite, la pluie des jours précédents et la présence de neige en quantité plus importante que les autres années sur le parcours a rendu les chemins boueux et glissants, ce qui a entraîné sur les passages techniques un fort ralentissement, plus important que je ne l’avais imaginé, avec des répercussions sur les passages en aval. Cela s’est principalement concentré sur la Marathon-Race, au passage du pas de l’Aulps, mais également dès le samedi en haut du Semnoz pour les coureurs de la MaXi-Race. Dans la nuit de samedi à dimanche, nous étions allés sur le terrain avec mon co-organisateur pour reconnaître l’état des chemins afin de valider le parcours ou de mettre en place le parcours de repli pour les coureurs du dimanche. Comme nous n’avons constaté aucun « danger » et nous avons donc pris la décision de faire partir les coureurs sur le tracé initial. Enfin, nous avons un système de ligne de départ par sas pour assurer la fluidité de la course. Mais nous avons fait le choix de ne contrôler que les premiers sas et de laisser les autres sas « sans contrôle », en comptant sur l’autonomie et la responsabilité des coureurs. C’est finalement utopique et c’est l’ensemble des sas que nous aurions dû « contrôler ».
Le Blog Endurance Shop : Lorsque vous vous êtes rendu compte que le temps de déplacement des coureurs allait être ralenti par la boue et les bouchons, en avez-vous tenu compte pour les barrières horaires ?
Stéphane Agnoli : Oui, nous en avons tenu compte. Le samedi, nous avons ajusté celle de Doussard, puis supprimé les barrières horaires sur le reste du parcours, pour tenir compte des conditions de course moins rapides. Le dimanche, nous avons neutralisé toutes les barrières horaires, pour que tout le monde puisse passer la ligne d’arrivée ! Sur les 1 992coureurs au départ de la Marathon-Race, seules 63 personnes n’ont pas passé la ligne d’arrivée contre 85 à 90 les années précédentes.
Le Blog Endurance Shop : Mais avez-vous prévenu les coureurs que les barrières horaires allaient être décalées ou annulées ?
Stéphane Agnoli : Non, c’est quelque chose qu’il n’est pas réellement possible de faire en temps réel, puisque cela se décide en fonction des temps de passage des coureurs. Le prestataire que l’on utilise pour le suivi et la densité des points de chronométrage intermédiaire (certains points n’étant pas visibles par le public), nous permet de savoir combien de personnes passeront dans les 20, 30 min suivantes et donc d’ajuster seulement 15-20 minutes, avant l’horaire initial de la barrière. Une fois la décision prise, il est impossible de prévenir rapidement l’ensemble des « signaleurs » sur le terrain et nous voulons à tout prix éviter que de mauvaises informations circulent auprès des coureurs. Nous ne prévenons donc que les chefs de poste au niveau des barrières horaires.
Le Blog Endurance Shop : Il y a eu aussi des remarques sur le ravitaillement d’arrivée. Que s’est-il passé ?
Stéphane Agnoli : Nous l’avions précisé dans le livret coureur, sur notre site et via une information aux médias : nous voulions faire cette année un test en remplaçant le « classique repas d’arrivée » par une assiette de produits du terroir. Sans doute y a-t-il eu des incompréhensions, mais notre volonté était de proposer une assiette style apéritif composé de produits locaux et biologiques, à déguster tranquillement avec un verre de boisson non alcoolisée et bio. Nous voulions privilégier la qualité plutôt que la diversité et la quantité. La limonade et le cola bio coûtent plus cher que la bière et c’est une volonté de notre part de ne pas donner de boisson alcoolisée à l’arrivée (à noter qu’une bière, à déguster tranquillement chez soi, est donnée à tous les coureurs au retrait de leur dossard, ndlr).
Le Blog Endurance Shop : De nombreuses critiques parlent d’ « une usine à fric » ?
Stéphane Agnoli : Cette remarque revient régulièrement sur beaucoup d’événements sportifs d’envergure dont la Salomon Gore-Tex® MaXi-Race. Nous assumons ce modèle de développement afin de pérenniser les emplois et de ne pas mettre en péril le projet des personnes qui s’investissent toute l’année pour que la course ait lieu.
Le Blog Endurance Shop : Avez-vous imaginé des changements pour l’année prochaine ?
Stéphane Agnoli : Depuis l’édition 2018, nous souhaitons changer le départ du Marathon-Race, mais n’avons pas encore validé ce changement pour cette année. Le départ ainsi que certains passages changeront et nous diminuerons le nombre de participants sur certaines courses, comme pour la Marathon-Race en repassant à 1 700 coureurs au lieu de 2 000. Je reste persuadé qu’il est possible de faire des événements qui regroupent plusieurs milliers de personnes autour de notre sport, tout en permettant à tous les participants de prendre du plaisir. Cette année, j’ai « loupé » un paramètre mais nous sommes déjà tous mobilisés pour analyser en détail ce qui s’est passé et rectifier pour les années à venir. Nous voulons poursuivre nos avancées écologiques sur nos ravitaillements en augmentant la part du biologique et du terroir, et supprimer les produits ancrés dans les habitudes, mais pas en adéquation avec la pratique sportive. Cette démarche se fait en transparence et nous communiquons là-dessus en amont, tout est par exemple indiqué sur notre site avant même l’ouverture des inscriptions.
Infos spécifiques MaXi-Race – total abandon sur le secteur de Doussard :
2017 : 222 dont 41 hors délais
2018 : 242 dont 28 hors délais
2019 : 259 dont 26 hors délais
Infos spécifiques Marathon-Race
2017 : 89 abandons – 1 554 coureurs au départ
2018 : 87 abandons – 1 776 coureurs au départ
2019 : 63 abandons – 1 992 coureurs au départ
Conclusion
Nous n’étions pas sur la course. Quoi qu’il en soit, on ne peut que regretter ces erreurs bien sûr mais aussi, c’est important, saluer l’attitude une fois de plus courageuse des organisateurs de faire ainsi face à leurs responsabilités. Organiser un événement outdoor de masse pour des centaines ou des milliers de personnes est loin d’être aisé, surtout en pleine nature où tout peut arriver. Le risque zéro n’existe donc pas, à quelque niveau que ce soit. Si les événements de trail running sont très importants pour la bonne santé de ce marché du sport dont tous les acteurs bénéficient, les amateurs comme les professionnels, nous, vous, rien n’empêche non plus de pratiquer librement, en partant courir seul ou à plusieurs. Si, bien entendu, nous comprenons parfaitement les déceptions et les frustration de certains coureurs, elles sont ici légitimes, il ne faut pas non plus oublier que derrière un droit d’inscription que l’on paye, c’est vrai, il y a des hommes et femmes passionnés qui travaillent d’arrache-pied. Tout travail mérite salaire. Le côté business de l’affaire ne nous gêne pas. Évidemment. Et puis personne n’est à l’abri d’une erreur. Ni nous, ni vous, ni eux. Ce ne sont pas des robots. Le trail running… ce n’est pas le foot. C’est un sport de liberté, de plaisir, de pleine nature. Il faut savoir apprécier les bons moments, les vivre à fond, respirer, lever les yeux et rester zen le reste du temps, quoi qu’il arrive. Zennnnn. Le respect de la nature, notre terrain de jeu, et le respect entre nous tous, c’est la base. Restez cool quoi. Ou alors « aide-toi, le ciel t’aidera ». Au choix. Quoi qu’il en soit : vivement la Salomon Gore-Tex® MaXi-Race 2020 !
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