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Yves Cordier & Laurie Canac

Texte et photos Gaël Couturier, Getty images pour Ironman, Team Argon 18.

Yves Cordier est le boss Ironman pour la France. Notre angélique petite chroniqueuse Laurie Canac est journaliste à Cnews et membre du team TeamArgon18 France. L’un dirige la planète Ironman hexagonale, l’autre est un témoin privilégié passionné qui évolue à bon niveau. Interview croisée sur la nouvelle du jour : le 70.3 débarque à Nice ! Une ville qui ne recule pas. Une ville qui au contraire ne cesse de vivre et d’aller de l’avant. Mega respect et big #ilove

La ville de Nice va donc accueillir un Ironman 70.3 en 2018 puis la finale mondiale de tous les 70.3 de la planète en 2019. Pourquoi, comment, que faire ?

Ironman de Nice

Running Café : Yves, vu le succès de l’IM de Nice, l’histoire – riche – de cette ville avec le triathlon et le beauté des parcours dans l’arrière pays, pourquoi avoir attendu si longtemps pour obtenir ce championnat du monde 70.3 ?

Yves Cordier : En 2014, quand Ironman se décide à faire sortir ce championnat du monde du continent nord-américain pour la première fois, notre dossier attire déjà pas mal l’attention. On est finaliste en face à face avec l’Autriche et la ville de Zell am See. On ne gagne pas mais je crois qu’il était trop tôt. On avait un beau dossier, c’est sûr, mais les autrichiens en avaient un encore plus fort. Et, au final, ils produisent une des plus belles éditions avec une organisation au top et un parcours tout à fait sublime. Il faut le reconnaître. En ce qui nous concerne, on était encore un peu tendre. Je dis ça avec le recul, même si on était déjà bien rôdé. On a alors décidé de se représenter en 2018 et on s’est retrouvé cette fois en concurrence sur la ligne d’arrivée avec l’Afrique du Sud. Et puis il y a eu l’attentat. Et honnêtement dans les process d’organisation, c’était trop compliqué pour nous d’organiser la course de cette finale internationale en 2018. Alors que là on peut placer un événement test et c’est très bien comme ça.

Ironman de Nice

Running Café : Quels ont été les arguments qui ont fait pencher la balance en votre faveur auprès des instances Ironman ?

Yves Cordier : On aurait pu avoir la course en 2018, je le crois, mais Ironman ne valide que des épreuves très fortes et je me réjouis de cette décision pour 2019 car cela nous laisse bien le temps de nous organiser pour produire quelque chose de bien solide.

Running Café : Quel sera exactement le parcours du 70.3 en 2018 et du championnat du monde 70.3 en 2019 ?

Yves Cordier : On est sur les mêmes parcours et on a deux options déposées dans notre dossier sans aucune validation pour l’une ou l’autre pour le moment. Une de ces options passe par le col de Vence. C’est une belle difficulté majeure et elle semble déjà retenir toutes les attentions. Bien entendu il s’agirait à vélo de ne faire qu’une seule boucle avec un parcours typique de la région : un peu technique avec de belles descentes sans oublier ce qu’on connaît bien sur Nice avec une natation en Méditerranée et une course à pied sur la promenade des anglais. J’ajoute qu’on passe aussi à la vitesse supérieure d’une certaine manière, par rapport à l’Ironman, étant donné une population de concurrents plus importante, puisqu’on accueille 5000 athlètes sur deux jours avec une course femme le samedi et une course homme le dimanche.

Running Café : Pourquoi ne pas l’avoir fait à Aix en Provence ou Vichy ?

Yves Cordier : Ni l’un ni l’autre n’est idéal en terme d’infrastructure et d’implantation géographique, sans même parler du parcours en tant que tel. Ce que je veux dire par là, c’est qu’on n’a pas dans un cas comme dans l’autre suffisamment d’hôtels, de place pour les médias, de place pour le salon, un aéroport aussi bien situé que celui de Nice… Et puis à Aix par exemple, en termes techniques, c’est plus compliqué. Le parcours natation est en dehors du site principal et de la transition vélo course à pied, ce qui rend les choses plus difficiles pour l’organisateur, les athlètes, le public. A Vichy, c’est plutôt en termes d’hôtels que ça ne suit pas. Ensuite, il ne faut pas oublier le budget. Il suit à Nice. Il ne suit pas à Aix ou à Vichy. Ce n’est pas une question de surenchères entre les villes mais c’est juste que tout simplement ni Aix ni Vichy ne sont capables d’être dans le cahier des charges au niveau financier. Bon, après, Nice c’est aussi une belle histoire de ce sport et une renommée internationale importante, qu’on soit triathlète ou non. Depuis 2014, la ville de Nice ne s’est pas découragée et on peut en être fier.

Running Café : Le prix du dossard sera certainement de 250 euros pour ce 70.3 en 2018. On entend parfois dire que les dossards Ironman sont chers. Que répondez-vous ?

Yves Cordier : On entend moins ce genre de discours. À Nice l’an dernier on a eu beau avoir une météo difficile à un moment sur le vélo, on a eu une note de satisfaction des athlètes dans le questionnaire d’après course qu’on envoie par email qui est historiquement haute. Le prix est important mais ça veut bien dire que la prestation est à la hauteur. Je sais bien que pour certaines bourses, le prix de nos épreuves n’est pas accessible et je connais personnellement des passionnés qui économisent pour pouvoir venir. On en voit aussi s’acheter des vélos très chers parce que là encore c’est une passion. Ce que je peux dire c’est que de notre côté il y a une inflation sur les coûts qui sont énormes, notamment à cause de la sécurité. Contrairement à ce que peuvent parfois imaginer les gens, rien n’est mis à disposition comme ça gratuitement par la ville. Je vous donne un exemple : sur le marathon de Bordeaux que nous organisons également, nous avons dû faire face à une inflation à six chiffres entre cette année et l’an passé. Le retour du terrorisme en France fait peur et bon nombre d’épreuves s’annulent. C’est aussi en cela que le terrorisme gagne. Mais on se bat, on montre qu’il faut continuer à vivre librement et on fait tout pour assurer la sécurité des participants et du public.

Running Café : Laurie, pourquoi es-tu inscrite à l’IM de Nice cette année ? Explique-nous ce qu’elle a de spécial cette course quand on est triathlète.

Laurie Canac : Je me suis inscrite car je suis originaire de Nice, c’est donc un bon moyen de concilier vacances en famille et triathlon. De plus, ce sera le premier évènement sur la promenade des Anglais depuis l’attentat du 14 juillet, il me tenait donc particulièrement à cœur d’être présente.

Running Café : Tu crains un peu le parcours vélo ? Toi qui vis à Paris et roule à Longchamp toute l’année.

Laurie Canac : Je sais que ça va un peu grimper ! Mais j’adore ce parcours vélo, c’est magnifique, j’en prends à chaque fois plein la vue. En plus, la première partie me rappelle mon enfance quand nous allions passer des journées sur le plateau de Calerne. A Paris, c’est vrai, je m’entraine souvent en tournant en rond autour de l’Hippodrome de Longchamp, mais ce n’est pas ça qui va me gâcher le plaisir de rouler sur les routes de l’arrière pays niçois.

Running Café : Ils vont créer un 70.3 à Nice en 2018 et la course sera au championnat du monde 70.3 en 2019. Tu imagines faire la course ? C’est une bonne nouvelle pour le triathlon en France tu ne trouves pas ?

Laurie Canac : Un 70.3 à Nice, enfin !!! Et les championnats du monde en 2019, mais c’est juste le rêve !  Je ne sais pas si j’aurai la chance d’y participer mais je peux te dire que je vais tout faire pour me qualifier. C’est une excellente nouvelle pour le Triathlon français, il y a d’excellents athlètes dans le pays qui pourront gagner en visibilité. J’espère que ça permettra aux médias de faire un zoom sur notre sport qui a malheureusement peu de visibilité. Enfin, la ville de Nice sera mise en lumière : on va en faire rêver plus d’un !

Running Café : Qu’est ce qui, d’après toi, a fait pencher la balance pour octroyer cette course à Yves Cordier et ses équipes ?

Laurie Canac : A mon sens Nice et son arrière-pays ont toutes les qualités pour organiser un tel évènement. Le départ sur la promenade des Anglais est accessible à tous, le parcours vélo époustouflant et la course à pied, sur le littoral, permet un accès facile aux supporters. La ville a aussi toutes les infrastructures pour accueillir beaucoup de visiteurs à la fois. L’aéroport par exemple est très bien desservi. Et puis, franchement Nice ça fait quand même plus rêver que Chattanooga non ?

Running Café : Toi qui as fait Hawaii, quels sont les conseils que tu peux donner à quelqu’un qui va faire un Ironman pour la première fois ?

Laurie Canac : Entraîne-toi dans les trois disciplines, tu dois y passer beaucoup de temps, c’est la base. Apprends à gérer tes efforts, bien manger, bien boire, ne pas partir trop vite, car le jour J, la course sera longue. Sois sûr de ton matériel, c’est hyper important. Enfin, ne lâche rien, t’as payé pour cette course, tu t’es levé tôt pour cette course et tu n’as pas mangé de gâteaux depuis longtemps pour cette course, alors tu la finis stp !!!!

Running Café : Tu penses que faire un Ironman c’est à la portée de n’importe qui ? Quelles sont pour toi les qualités physiques et mentales nécessaires à la pratique de cette distance ?

Laurie Canac : C’est à la portée de tous à condition d’arriver préparé. Il faut avoir suivi un entrainement un peu contraignant, avoir fait des efforts. Si on ne se sent pas prêt à faire cela pendant quelques mois, à mon sens ça ne sert rien de réaliser la course et, pire, c’est dangereux. Quand je vois certaines personnes sur des triathlons, je me dis qu’elles sont vraiment inconscientes. L’effort que l’on demande à notre corps n’est pas anodin. Selon moi, on acquiert des qualités physiques en s’entraînant, tout simplement. En revanche pour le mental, il faut s’accrocher, vouloir se prouver des choses, aller chercher loin en soi ce petit quelque chose, qui vous permet de ne jamais rien lâcher.

Running Café : Le marathon sur IM c’est un gros morceau parce qu’il arrive alors que la fatigue est là. As-tu des trucs particuliers pour ne pas flancher ?

Laurie Canac : Il faut rester concentré sur sa course, ne pas penser aux douleurs et avoir une idée fixe en tête. La clé aussi pour moi c’est les soutiens, la famille et les amis en priorité, les voir ne serait-ce qu’une minute ça fout une patate d’enfer et les encouragements des inconnus aident beaucoup également.

Running Café : A Nice, ce marathon n’est pas simple car les allers-retours peuvent être lassants et puis voir les autres en permanence ça peut aussi être impressionnant ou décourageant. T’en penses quoi ?

Laurie Canac : Je ne trouve pas, au contraire, ça permet soit de voir les meilleurs (j’adore la foulée des grands coureurs-coureuses, ils ont trop la classe). Grâce aux allers-retours, je peux aussi voir si des filles sont devant moi.

Running Café : T’es une compétitrice toi hein ! Quels sont tes modèles dans cette discipline et pourquoi ?

Laurie Canac : J’ai un poster de Daniela Ryf prise pendant le marathon d’Hawaii sur la porte de mes toilettes… Elle a un niveau très impressionnant et s’entraîne à un rythme incroyable. Mirinda Carfrae : j’adore sa manière de courir, elle peut remonter tellement de ses concurrentes sur un marathon. Enfin, Fred Van Lierde pour sa gentillesse, le mec sourit tout le temps et à l’air de ne pas avoir du tout la grosse tête.

Running Café : Comment parviens-tu à gérer cette distance qui, il faut bien le reconnaitre, n’est pas très accessible à cause de la dose d’entrainement qu’elle requiert. Tu as un job à plein temps et pourtant tu parviens à tout faire, prouvant par là que c’est possible.

Laurie Canac : J’ai en effet un job à plein temps et une vie de couple ! Pour arriver à bien s’entrainer, il faut accepter de se lever tôt le matin. Ca m’arrive par exemple de me faire 2-3 heures d’entrainement avant le travail. Ensuite, le week-end j’ai banni les grasses matinées afin d’aller faire du sport tôt. Ça me permet de pouvoir passer les après-midis avec mes proches. Sur les semaines de charge, il faut espérer ne pas avoir trop de stress au travail et vivre avec une personne conciliante. Donc oui, bien sûr que c’est possible, on est plein à le faire, il faut juste être un peu organisé.

Running Café : Question de psychanalyse : qu’est ce qui te motive dans le fond pour faire ces distances de dingue. Tu y as déjà réfléchi ?

Laurie Canac : Je m’allonge sur le divan de « Running café » et je cherche au fond de mon esprit une réponse… Pour dire la vérité, avant de faire du triathlon, je voyais les personnes qui pratiquaient cette distance comme des demi dieux ou presque, j’étais très impressionnée et persuadée de ne jamais pouvoir y arriver. Un jour, avec le soutien, de mon collègue de Running Café, François-Xavier Gaudas, je me suis lancée. Qu’est-ce que j’avais à perdre ? Au départ c’était donc pour me prouver quelque chose. Aujourd’hui, je suis comme toi et comme tous ces tarés de triathlètes, il y a un petit quelque chose qui me pousse malgré la douleur à toujours recommencer. Je veux voir jusqu’où mon corps et mon esprit peuvent aller. Et puis, franchir la ligne d’arrivée d’un Ironman c’est quand même un « sacré truc de ouf ».

Running Café : Bon et sinon tu es au courant que je vais faire mon 6ème IM de Nice, mon 14ème IM tout court et que tu vas avoir du mal à me rattraper sur le parcours ?

Laurie Canac : J’en rêve la nuit ! Ça m’angoisse !!!!! Mais sinon ton café, tu le prends avec ou sans sucre ? Histoire que je ne me trompe pas quand je t’attendrai sur la ligne d’arrivée…

Running Café : ah ah j’adore… Joue-la comme Mirinda tiens, t’as raison. Je me suis entraîné à San Diego tout l’hiver (info ou intox ?) alors je sens que tu vas m’appeler Jan Frodeno sur la ligne d’arrivée toi…Méfie !

Laurie Canac, triathlète qui participe aux Ironman
Yves Lordier, Ironamn France

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