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Nike is a beach (again)

Texte et photos by Gaël Couturier.

Free RN Distance Shield

235g, drop de 5,7 mm (27 mm de hauteur talon et 21,3 mm de hauteur avant-pied). 130€ ou 140€ avec le Shield, la protection déperlante. Tout type de foulée. nike.com.

Tester une paire de Nike est une sacrée mission. Parce que Nike…est Nike : une innovation design rare sans cesse en mouvement, un marketing stratégique de pointe et riche en $, des pubs ultra branchées ultra recherchées ultra léchées, la R&D la plus chère du monde, loin, très loin devant ses concurrents, Adidas en tête, même si les chiffres restent désespérément secrets. Et ce n’est pas le magazine Wired, la bible des geek américains, qui dira le contraire : dans un de ces derniers numéros de l’année, ses journalistes ont enquêté sur 18 pages dans les sous-sols d’un bâtiment du campus de Beaverton (Oregon), là où se créent toutes les révolutions à venir de notre marque à virgule. L’article évoque les nouveautés les plus hi-tech et se concentre sur l’HyperAdapt, dont les lacets se serrent tout seul à peine vous mettez le pied à l’intérieur. La chaussure est inspirée du film Retour vers le futur, 28 années plus tard. Wow. Il parle aussi de la VaporMax, qui va remplacer l’Air Max 2013, avec des coussins d’air mieux dessinés, plus découpés, mieux répartis, bref mieux pensés et mieux réalisés. Globalement, les journalistes américains expliquent comment les technologies développées par Nike permettent aux athlètes d’améliorer leurs performances tout en protégeant leurs corps et plus particulièrement leurs pieds. Mais curieusement, ils ne parlent pas de la Free, pourtant la chaussure de running la plus rentable de tous les temps, et justement construite avec l’idée de renforcer le pied lors d’une foulée de type retour au source, plus naturelle.

Au début des années 80, petit garçon, je vivais en Amérique Centrale et je portais déjà des Nike. Pendant 30 ans, ma relation avec la marque s’est déroulée comme une affaire de cœur, avec beaucoup d’amour, quelques cris, rien de cassé mais bien un peu de haine, quand même. Car Nike est comme une vieille maîtresse : je ne parviens pas à la quitter, mais je ne me décide jamais non plus à l’épouser complètement. Personne n’est pas parfait. Nike brille, souvent, mais Nike déçoit aussi, parfois. Voilà pourquoi ces Free RN Distance mais aussi cette paire de LunarGlide 8 Shield que m’a envoyées Mark Parker peu avant Noël – si si c’est Mark Parker lui-même, le CEO de Nike, qui s’en est chargé, j’en suis sûr ! – méritent qu’on s’y arrête.

Nike Free Rn Distance Shield

La tige

Depuis la toute première Nike Free de 2004, mettre le pied dans ce modèle fait pour courir au naturel c’est comme rentrer dans un chausson. Et ça ne change pas. Un premier point intéressant à noter sur l’empeigne : la partie qui enveloppe l’avant-pied sur l’extérieur, c’est l’utilisation de la technologie Flywire, à base de cinq petites courroies hyper solides (en jaune sur la photo). Elles viennent entourer, border le pied, des lacets jusqu’à la semelle intermédiaire et permettent ainsi un réglage en douceur pour stabiliser le pied dans la chaussure et sur la semelle. A l’origine, cette technologie Flywire présente dès 2013 sur la Nike Free 5.0, et bien entendu sur bien d’autres modèles Nike, a été inspirée aux designers américains par les câbles des ponts suspendus. Le résultat est ici confortable, sans point de pression particulier mais cette empeigne pourrait quand même être un peu plus large. Car la tension ressentie à l’avant pied est un poil désagréable. Je pense que le moule sur lequel a été construit cette nouvelle Free en est le premier responsable.

Nike Free Rn Distance Shield : la tige

L’empeigne est physiquement divisée en deux parties mais je ne pense pas qu’elle en soit la cause : il y a le mesh externe, de type flyknit en plus épais, avec une maille plus serrée et donc plus solide – c’est un modèle hiver. Mais il y a aussi un petit chausson interne bien stretch, bien chaud, et qui rajoute de la déperlance à l’ensemble et donne cet effet pantoufle super confortable. C’est d’ailleurs lui qui permet aux Flywire d’agir en souplesse sans être directement au contact de la chaussette. Quant à l’eau, elle est donc doublement stoppée et ne s’infiltre pas, à moins bien sûr de rester des heures sous la pluie ou de mettre son pied dans une grosse flaque d’eau bien haute, et d’y rester. Mais pour contrer les pluies légères et même un peu de neige mouillée, l’empeigne fait le boulot. Rien à redire. Notez que je ne m’aventurerais pas avec sur un sol glissant ou même une neige verglacée car la semelle n’est vraiment pas faite pour.

Pour finir sur le confort de cette tige dans son entier, j’ajoute que la sensation de léger emprisonnement dont je parlais plus haut, se retrouve surtout sur les premières foulées et s’estompe peu à peu car, globalement, vous êtes quand même ici en face de beaucoup de douceur. Pieds larges, attention toutefois : pensez donc à prendre une taille au dessus ou munissez-vous de chaussettes plus fines. La chaussure est de toute façon à essayer en magasin avant l’achat.

Au niveau du talon, les matériaux utilisés sont différents. Le mesh, autrement dit le tissu, n’est pas du tout le même. Il est beaucoup plus souple, plus respirant, et donc certainement pas déperlant, ce qui n’est vraiment pas un problème si vous courez droit devant vous et non pas en marche arrière. Logique. Mais il est entouré et renforcé par des bandes plastiques qui lui apportent un brin de rigidité. Quoi qu’il en soit, la souplesse participe donc encore fortement au confort général de la chaussure.

Autre point important sur la tige de ce modèle hiver, les matériaux réfléchissants. Il y en a quatre : les deux logos en forme de virgule bien connue, une fine bande verticale à l’arrière de la chaussure et les lacets. Notez que les petits points gris du mesh tout autour de la chaussure ne sont malheureusement qu’une couleur mais ne réfléchissent pas la lumière comme on aurait pu s’y attendre, et l’espérer. Dommage. Dommage car cela aurait été un point de sécurité supplémentaire intéressant et bien pensé.

Nike Free Rn Distance Shield : la semelle

Semelle intermédiaire

La semelle est clairement une des plus épaisses de toutes les Free de ces dernières années, du moins sous l’avant pied où Nike avait été très loin dans le minimalisme, notamment en 2012 avec la Nike Free Run +3 et cette communication incroyable sur les athlètes Kenyans capables de performances extraordinaires avec la chaussure, mais malheureusement bien éloignées des préoccupations et des besoins des coureurs à pied moyens du monde entier. La chaussure n’avait d’ailleurs pas vraiment rencontrée son public. Avec cette Free RN Distance Shield, Nike se positionne sur un autre terrain : celui d’une chaussure plus accessible et qui s’adresse à tous, surtout à ceux qui veulent aborder sereinement les distances les plus longues, les marathons notamment, mais rester le plus libre possible de leur mouvement. Est-ce à dire que la marque renie ses modèles de Free minimalistes précédents ? Je le pense, oui.

La mousse de la semelle, que Nike appelle Lunarlon, est relativement souple, mais c’est surtout sous l’avant pied que cela se ressent. Cette mousse reste également bien dynamique. Car ces Free RN Distance ne donnent pas du tout la sensation d’avoir chaussé des chaussures pour débutant. Je crois franchement qu’elles peuvent convenir à tout le monde, à moins bien sûr de viser les moins de 3h sur marathon, et encore !

En courant, ce Lunarlon peu épais et pas renforcé par une structure plastique plus résistante à l’abrasion, se rappelle quand même à vous et vous signale que vous restez dans une Free : vous sentez le sol ? Rien de plus normal ! Cela n’a quand même plus rien à voir avec des Free extrêmement minimalistes qui ont sans doute fait beaucoup de dégâts chez des coureurs qui n’auraient jamais dû les chausser pour courir (aussi intensément). Mais ne rentrons pas dans ce débat. Chapitre clos.

Semelle d’usure

Il y a des points vraiment très intéressants à noter sur cette semelle externe. D’abord, et cela fait le lien avec la semelle intermédiaire, sa découpe reste propre au modèle Free et laisse le pied plus libre de ses mouvements. Cela se traduit par des tas de rainures facilement identifiables. Il y a des rainures plus profondes au centre de l’avant pied que sur les bords. Ces rainures encadrent des morceaux de semelle plus larges que sur d’autres modèles récents de Nike Free. Vous gagnez donc en stabilité. On note aussi 4 petits morceaux de caoutchouc placés stratégiquement sous la semelle à l’avant pied et au talon. Ils sont plus résistants que le reste de la gomme et sont là pour assurer une meilleure accroche sur sol mouillé.

En ce qui me concerne, j’ai été très satisfait de cette semelle relativement large et prête à tout car elle m’a sans cesse fait me sentir en contrôle et en parfaite sécurité sur tous les terrain de la ville, des trottoirs aux escaliers en marbre glissants en passant par les sentiers de terre et gravier, et enfin l’herbe humide.

J’ai utilisé cette Free, en alternance avec la LunarGlide 8 Shield dont je vais vous parler après, sur un mois entier et à cheval sur décembre et janvier. J’ai fait 3-4 sorties par semaine, en alternance avec ces deux modèles, à la fois à l’extérieur et sur tapis. Ce n’est bien entendu pas suffisant pour apprécier correctement la qualité de résistance à l’usure d’une semelle mais je souhaite ici rapporter une anecdote qui montre bien que, malgré les apparences de délicatesse, les modèles Free sont finalement très résistants : avec une Free datant de 2012, j’ai couru plusieurs semaines dans le désert en Inde, en reconnaissance de parcours d’une course qualificative UTMB que vous connaissez peut-être : Run The Rann. Chaque jour j’ai rencontré du sable, des racines, des pierres, des épines, parfois des serpents et des températures dépassant souvent les 35°C. Ma Free de l’époque ne m’a jamais trahi. Aucune partie ne s’est jamais décollée, le mesh ne s’est jamais déchiré, la semelle, trouée par des épines à de nombreux endroits, ne s’est jamais coupée ou désolidarisé. Par conséquent, sauf à rencontrer de gros pierriers, cette Free RN Distance peut à mon sens se transformer en chaussure de trail assez résistante, sur terrains secs toutefois. Je mettrais sans doute juste un bémol sur les descentes où le pied ne serait pas assez tenu. Vous noterez enfin sur les photos, le très léger rajout de caoutchouc sur le devant du pied, qui offre une légère protection.

Conclusion

Une belle surprise. Que d’histoires depuis le lancement de la première Free ! Moi, j’ai toujours été fan et je porte régulièrement des Free dans ma vie de tous les jours, en tout cas depuis la Free Run + 2010, mais j’ai rarement couru avec. J’avais peur de me blesser. Ce qui me plaît dans cette nouvelle Free, mis à part ses qualités techniques indéniables détaillées plus haut, c’est que la chaussure s’adresse enfin à tous. Pas de discrimination à l’élite. Tous les coureurs, garçons et filles sont concernés. Et ça, c’est une révolution. J’appelle Mark pour le remercier.

Nike LunarGlide 8 Shield

LunarGlide 8 Shield

266g, drop de 12,6 mm (32,7 mm de hauteur talon et 20,1 mm de hauteur avant-pied). 130€ ou 140€ avec le Shield, la protection déperlante. A réserver plutôt aux foulées hyper pronatrices. nike.com.

La tige

La nouvelle Lunarglide reprend un peu le concept de la Free, sans qu’on ne sache vraiment qui a copié sur l’autre, mais c’est sans doute simplement une mode passagère qui a frappé, telle la foudre nord américaine, les designers de l’Oregon. Elle est toutefois beaucoup plus légère au niveau de l’empeigne (avant-pied) et ne donne donc pas du tout cette impression de compression de pied que pouvaient parfois donner les matériaux de la Free. D’abord l’empeigne, c’est à dire la partie qui recouvre l’avant-pied, se compose de deux parties bien distinctes : un mesh plus léger et largement plus aéré que sur la Free RN Distance et un chausson similaire, jaune au lieu de noir cette fois. Pourtant, en passant les chaussures sous la douche l’une après l’autre, je n’ai pas constaté de différence entre les deux modèles. A croire qu’en ce qui concerne cette LunarGlide 8 Shield, la structure du chausson interne est encore plus épaisse que dans le cas de la Free. Je n’ai pas d’indication de la part de la marque sur ce point mais c’est tout à fait possible et irait dans le sens général de la philosophie de ce modèle, plus rigide, plus lourd, moins dirigé « performance » que la Free RN Distance.

La beauté de cette tige c’est donc ce mesh, travaillé à l’extrême, alternant points aérés, souples et points plus sûrs, presque plus durs. Au niveau du talon, rien à voir avec la Free décrite précédemment non plus : vous y êtes parfaitement calé, et donc plus libre du tout. Il y a une coque, solide, et des rembourrages qui rappellent que vous êtes dans un modèle on ne peut plus classique, malgré un design futuriste et plutôt beau, j’avoue.

Nike LunarGlide 8 Shield : la tige

Là encore, le système Flywire est de mise et fonctionne à merveille, comme sur la Free : les « câbles » sont là pour maintenir votre pied, le stabiliser. Point de détail concernant les bandes réfléchissantes : il y a sur ce talon une grosse bande bien visible et plus rassurante que celle de la Free. Est-ce à dire que, d’un point de vue de designer et de marketeur, nous sommes en présence d’une chaussure de running hardcore pour l’hiver et donc la nuit, alors que la Free se positionnerait plus dans la gamme d’une chaussure de running lifestyle, pour courir oui mais aussi à porter tous les jours au bureau ? Je pense que oui. Et à ce titre, j’ajoute que contrairement à la Free, la tige de cette LunarGlide 8 Shield donne une belle sensation de protection : la chaussure est épaisse, rembourrée de la languette au col de cheville, on sent que le pied va y être protégé. Bref, pour 30g de plus vous quittez la décapotable rapide, sensationnelle mais dangereuse et rentrez vous mettre à l’abri dans un Humvee de l’armée américaine. J’exagère à peine.

Semelle intermédiaire

Une pièce comme seul Nike sait les faire : bombée, collée, découpée au laser, réalisée comme pour la Free en Lunarlon bien dynamique même si elle est, vous vous en rendez compte en regardant les photos, assez monstrueuse – dans le sens qu’elle est épaisse. Bref, c’est une beauté, une vraie belle bête ! Et sa semelle va contrer le phénomène de l’hyper pronation et aider le pied à ne pas s’écraser vers l’intérieur lors de son déroulement, comme c’est le cas chez certains d’entre vous, parfois des coureurs lourds, mais pas seulement. En ce sens, la chaussure n’est pas vraiment destinée aux coureurs qui attaquent le sol par le médio pied et dont la foulée n’a pas besoin de correction particulière. Alors que je corresponds plutôt au profil de coureur de cette dernière catégorie, le Dynamic Support de Nike m’a semblé fonctionner à merveille. Je m’explique : plus votre pied va rouler vers l’intérieur lors du mouvement naturel de la pronation, plus la chaussure, grâce à l’ajout de cette pièce de plastique posée sur le reste de la semelle, va le stabiliser et freiner son écrasement naturel. Moi qui n’ai pas besoin d’un tel contrôle, je n’ai senti aucune gêne, pas de rigidité particulière à cet endroit de la chaussure. Autant dire que le système est suffisamment souple et bien réalisé pour se faire oublier et n’intervenir que quand c’est vraiment nécessaire.

Par contre, là où j’ai personnellement eu quelques difficultés : c’est sous l’avant-pied. Je l’ai trouvé particulièrement ferme, trop ferme même. Une anecdote : à plusieurs reprises, mon avant-pied est venu frotter sur le sol lors du décollement de mes orteils, manquant de peu de me faire trébucher. J’en conclus donc, en raison de cette imposante semelle intermédiaire et de l’équilibre général de la chaussure – dont un important drop, le différentiel entre l’avant et l’arrière pied –  que ce modèle est un bon modèle d’échauffement pour tous mais qu’il est quand même à réserver à certains coureurs plus qu’à d’autres dès que les distances s’allongent ou que la compétition approche.

Semelle d’usure

Elle est intéressante. Seul point négatif, sa forme favorise le fait de coincer des petits cailloux sous la semelle. Nike s’est bel et bien attaqué au problème par rapport à son modèle précédent mais il demeure, dans une moindre mesure, c’est vrai. La chaussure n’est bien sûr pas destinée à faire du trail running. Une fois rentré chez vous, vous risquez de rayer votre parquet. Ne riez pas, c’est arrivé. Je vous aurai prévenu.

Nike LunarGlide 8 Shield : la semelle

Son design est donc très particulier : composé de quatre parties distinctes dont la plus longue s’étire du talon au médio pied et permet de renforcer la stabilité lors de la phase de transition attaque talon – décollement des orteils. La découpe des trois autres, placés sous l’avant-pied aide à donner de la souplesse tout en soutenant le dynamisme de l’ensemble. Enfin, le caoutchouc de cette semelle d’usure est vraiment beaucoup plus dur que celui de la Free. Il explique la conduite plus rigide au pied mais il est également plus protecteur et sans aucun doute encore plus résistant. A confirmer. Concernant son accroche sur sol mouillé, franchement, je n’ai pas eu à m’en plaindre. Attention toutefois aux escaliers en marbre où cette dureté de semelle ne pardonne pas. A deux reprises, j’ai failli m’envoler sur le dos en sortant de chez moi. Je n’avais pas eu ce problème avec la Free sur ce même marbre.

Conclusion

C’est une bête de somme à qui vous pouvez tout demander. Attention, cette LunarGlide 8 Shield ne conviendra toutefois pas aux coureurs légers à la recherche de vitesse. A part cette catégorisation sélective, elle n’a pas de défaut particulier. Une valeur sûre donc.

Vous connaissez bien le modèle Free : qu’avez-vous pensé de cette (r)évolution ? Avez-vous fait des sorties longues avec ? Un marathon ?

Avez-vous fait des sorties longues avec cette LunarGlide 8 Shield ? Un marathon ? Un ultra sur route ? Qu’en avez-vous pensé ?

Nota bene : si vous travaillez pour une marque, de quelque manière que ce soit, merci de vous identifier lors de vos commentaires. Ça sera sympa (et honnête).

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