Pas d’ours polaire ni de chewing-gum à l’horizon
Photos Gaël Couturier et organisation.
Singapour est un endroit étonnant, bouillonnant et complètement déboussolant. Il y a quelques années la ville état et insulaire interdisait par exemple d’avoir les cheveux (trop) longs ou de mâcher du chewing-gum. Ces règles ont quelque peu évolué, certaines se sont assouplies, d’autres sont restées très strictes. Le résultat est un endroit rare, où la criminalité est particulièrement basse, les bonnes mœurs encouragées, où la propreté est tout bonnement hallucinante. Il y fait donc bon se balader, s’intéresser à un modèle d’intégration des populations réussi, admirer une architecture mixte particulièrement riche et colorée – coloniale bien sûr mais aussi japonaise, malaisienne, chinoise et même indienne ou encore ultra moderne – faire du shopping ainsi que son jogging, même s’il y fait particulièrement chaud et humide toute l’année. La ville, longtemps colonie britannique, est également un point d’ancrage idéal pour explorer le reste du Sud-Est Asiatique avec, au passage donc, ce marathon qui s’améliore nettement depuis qu’il est organisé par des…chinois. Pardon ? Et oui, la course est depuis un an passée sous pavillon de la World Triathlon Corporation, bien connue pour la qualité de ses organisations d’événements de triathlons Ironman à travers la planète et qui, même si elle est née au beau milieu du pacifique, à Hawaii, est depuis bientôt deux ans la propriété d’un géant chinois de l’immobilier. Un Donald Trump à l’asiatique ? Pas tout à fait. Quoi qu’il en soit, l’équipe managériale de ce marathon est elle aussi mixte, principalement australienne, singapourienne et française. C’est ainsi que nous avons rencontré Benjamin Darde, marketing assistant director. Sa mission : vous donner envie de traverser le monde pour faire un marathon qui veut se positionner comme un des plus grands. D’Asie ? Du monde.



Running Café : Que diriez-vous à un européen pour lui donner envie de venir faire ce marathon alors que c’est de l’autre côté de la planète ?
Benjamin Darde : Que c’est le plus grand marathon de toute l’Asie du sud-Est, Chine et Japon exclus donc, mais aussi que c’est le seul événement à être un label Gold pour l’IAAF, la fédération internationale d’athlétisme. Je dirais aussi que c’est une belle opportunité de courir dans une grande ville asiatique, Singapour est un mélange de plusieurs cultures, européennes et asiatiques, avec une organisation de classe mondiale.
Running Café : Ca c’est intéressant justement. Quelles sont les différences culturelles qui vont marquer le coureur visiteur d’après vous ?
Benjamin Darde : L’histoire de Singapour, dont l’indépendance ne date que de 1965, fait qu’elle est au centre de plusieurs influences ; influence européenne je l’ai dit mais également bien entendu chinoise, malaysienne et indienne. C’est un mélange tout à fait unique que vous ne pourrez pas expérimenter ailleurs. Que vous visitiez le quartier colonial à influence britannique, Little India ou Chinatown, les expériences seront extrêmement différentes. De plus, Singapour est une ville très sûre et la langue officielle que tout le monde parle très bien est l’anglais, ce qui facilite vraiment les échanges quand on est en visite.



Running Café : Pourquoi avoir choisi un départ aussi tôt le matin ? Vous êtes malades ou bien ?
Benjamin Darde : Mais c’est à cause de la chaleur ! Les chances de pluie sont aussi beaucoup plus faibles le matin. Quant au choix de la période, il faut savoir que Singapour est pile sur l’équateur alors il n’y a pas de saison froide ou de saison chaude. C’est chaud et humide toute l’année ici. La course a toujours eu lieu le premier week-end de décembre et c’est pouquoi nous avons voulu conserver la tradition depuis que nous avons repris la course.
Running Café : Qu’est-ce que vos ravitaillements proposent alors justement pour contrer cet effet d’humidité et de chaleur quand on est marathonien ?
Benjamin Darde : D’abord nos ravitaillements sont très proches les uns des autres, environs tous les 2,5-3,5 km en fonction de l’aménagement de la ville. Ils contiennent de l’eau, des boissons isotoniques, des bananes, des gels et de la crème de massage pour les muscles endoloris. En plus de cela, nous avons des zones de fraicheur où les coureurs peuvent passer sous des douches légères d’eau froide. C’est quelque chose de rare en Europe, sauf sur les Ironman, et c’est en général très apprécié ici !




Running Café : Quels sont les points les plus intéressants du parcours ?
Benjamin Darde : Le départ sur Orchad Road, la rue la plus folle de SG pour le shopping est à lui tout seul un moment de folie. Ensuite, les coureurs passent devant pas mal de sites tout à fait iconiques de la ville : le quartier des affaires avec tous ces gratte-ciels, le Central Business District, mais aussi bien sûr les jardins de Gardens by the Bay, la grande roue, Marina Bay, un grand lac artificiel au cœur de la ville, et puis le final à Padang, au cœur du quartier colonial.
Running Café : Quelle est réellement votre ambition avec cette course : devenir le plus grand marathon asiatique, Chine et Japon compris ? Si oui alors comment comptez-vous y arriver ?
Benjamin Darde : Ecoutez, nous voulons tout simplement être un des marathons à faire en Asie et pourquoi pas au monde. Nous voulons devenir une référence, un must-do. Nous focalisons tous nos efforts sur l’amélioration de l’expérience de course de nos participants. C’est notre but à tous. Chaque année, nous vérifions tous les aspects de l’épreuve : le parcours, le départ, l’arrivée, l’expo, la sécurité…tout pour améliorer notre événement.
Running Café : Façon Ironman donc ! Car c’est sous couvert de cette société que vous avez depuis peu repris le marathon.
Benjamin Darde : Oui c’est exact, nous avons repris la course pour l’édition qui vient de se terminer en effet et nous avons été en mesure de proposer un tout nouveau parcours, un départ plus tôt dans la journée – ou dans la nuit si vous préférez, une expo beaucoup plus importante et de nouvelles attractions pour les enfants et la course qui leur est destiné, Kids Dash sur Orchad Road, sans oublier de faire monter la sauce quelques temps avant la course avec un entrainement officiel que nous appelons ici l’Official Warm-Up !



Running Café : Et alors quels sont les autres grands marathons qui vous inspirent ? Quels sont pour vous les petits détails des uns et des autres qui font la différence ?
Benjamin Darde : Bien sûr que les plus grands marathons nous inspirent, les Major notamment car ces événements sont de très grande qualité mais font aussi le plein de coureurs et nous les envions. Dans les détails qui font pour nous la différence il y a par exemple le système de dépose bagage ou encore le look et l’atmosphère des sites de départ et d’arrivée qui sont pour nous très importants. Je suis d’ailleurs très heureux de pouvoir dire que nous avons eu des représentants de ces grands marathons dit Major qui sont venus nous voir cette année et nous allons nous servir de cette expérience et de leur feedback pour nous améliorer encore cette année, le 2 décembre prochain.
Running Café : Une dernière chose pour ceux qui viendraient de loin, est-ce que vous avez des deals avec des hôtels et aussi des réductions sur des visites de musées ou de sites intéressants à visiter à Singapour ?
Benjamin Darde : Bien sûr ! On travaille notamment avec l’hôtel Jen Orchard Gateway, qui se situe à moins de 100 mètres du départ. On est aussi en cheville avec l’office du tourisme car c’est notre objectif d’attirer de plus en plus d’étrangers, et notamment d’occidentaux, sur notre course.



Sur place, on en a profité pour interroger un néophyte, Abishek Grover, un jeune cadre dynamique expat’ de nationalité indienne et âgé de 32 ans qui travaille dans la pub et pour qui ce Standard Chartered Marathon Singapore était le premier, sans doute d’une longue série. La parole est au débutant.
Photos Standard Chartered Marathon Singapore, Abhishek Grover et Gaël Couturier.
Running Café : Quelles sont vos premières impressions pour vous qui débutez sur cette distance ?
Abishek Grover : J’ai ressenti quelque chose de fort quand j’ai passé la ligne. Il faut dire que c’était mon anniversaire. J’ai eu 35 ans le jour de la course. J’ai eu le sentiment d’avoir réussi quelque chose d’important pour moi. Il y avait près de 13 000 personnes sur cette course mais seuls 8030 ont terminé. J’ai été l’un d’entre eux et j’en suis vraiment très heureux.
Running Café : Qu’est-ce qui était le plus dur ? Se lever en pleine nuit pour le départ dont la première vague partait 4h30 ?
Abishek Grover : Non, me lever n’a pas vraiment été un soucis car j’étais pour ma part très motivé à faire cette course. J’ai d’ailleurs quasiment pas dormi. Le plus dur a été après la barre des 32 km. J’ai vraiment cru que je ne pourrai pas aller au-delà. Je ne m’étais pas entraîné à faire plus de 30 km et je ne l’avais vraiment pas fait souvent non plus. J’avais mal à la jambe, je m’arrêtais à chaque ravitaillement, c’était l’horreur (rires).
Running Café : Est-ce que la course était bien organisée selon vous ?
Abishek Grover : Tout était top niveau je pense. Les ravitaillements étaient bien garnis, il y a avait beaucoup de bénévoles. La seule chose que je regrette c’est qu’une fois passée la ligne, après avoir récupéré ma médaille, je me suis comme senti détaché de l’événement. Je ne me suis pas senti appartenir à une famille, avoir fait quelque chose en commun avec d’autres. Ça c’est un peu dommage.
Running Café : Et la chaleur, vous l’avez bien gérée ?
Abishek Grover : Quand la course a démarré, j’ai trouvé que le temps était agréable. Je vis ici donc je suis acclimaté mais globalement je n’ai pas trouvé la journée trop humide. Mais je reconnais qu’à chaque heure qui passait, la chaleur s’installait et ça devenait beaucoup plus dur. J’ai beaucoup bu et j’ai au final quand même bien souffert de la chaleur. En tout, sur mon chrono d’un peu plus de 6h, j’ai eu la sensation de passer la moitié du temps en pleine chaleur. Le parcours était plat, heureusement !
Running Café : Du coup, ça vous a donné des envies de recommencer ?
Abishek Grover : Oui mais je crois que mon prochain défi ce sera un 70.3, autrement dit un half-Ironman, dans la région. C’est le prochain défi sur ma liste !


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