
Qui est vraiment Thibaut Baronian ?
Par la rédaction, avec Gaël Couturier. Photos © Red Bull, Justin Gallant
Thibaut Baronian est un athlète Salomon que l’on a connu, nous, parce qu’il a gagné trois fois le Red Bull 400 de Courchevel. Mais ce garçon est plein de surprises. Il est désormais dans le team Endurance Shop. On vous l’avait annoncé. Interview privée, très privée.
Le Blog Endurance Shop : Thibault j’aimerais que tu nous aides à faire ta connaissance. On sait que tu as 30 ans, que tu es athlète Salomon et que « dans le civil » tu es kinésithérapeute…et nutritionniste. Peux-tu nous faire rapidement ta bio sportive ? Depuis quand cours-tu ? As-tu toujours été aussi bon ? Bon, et aussi tu es marié, tu as des enfants, un chien, tu vis encore chez tes parents ?
Thibaut Baronian : Mes parents ont toujours été sportifs et je crois que ma vie était faite pour tourner autour du sport. Je suis un passionné depuis tout petit. J’ai grandi en haute savoie et j’ai commencé par le foot, pendant 8 ans, puis le tennis de table, le cyclisme sur route et en parallèle de tout ça, j’ai fait pas mal de ski de fond ; depuis le CE1 en fait. C’est un sport dans lequel je me suis réellement épanoui par la suite. À tel point que j’ai intégré la structure régionale en cadet, puis fédérale avec l’Équipe de France junior. J’ai même fait deux Top 20 aux Jeux Olympiques de la Jeunesse avec l’Équipe de France. Après, j’ai passé un Bac S, c’était en 2008 et j’ai décidé d’arrêter le sport de haut niveau pour me consacrer à mes études de kinésithérapie, non sans avoir participé à des Coupes d’Europe et des Championnats d’Europe. En première année de kiné, je me suis vraiment mis à courir. Au départ c’était pour le plaisir et pour m’aérer un peu entre deux soirées. Mais, très vite, le goût de la compétition a refait surface. J’ai enfilé mon premier dossard trail en avril 2010, sur un 17 km. En 2011, j’ai réalisé ma première saison complète en catégorie Espoir. Et puis, cette même année, en septembre 2011, j’ai intégré le team espoir de Salomon. Je n’aurais jamais pensé, depuis le jour où j’ai arrêté le ski être capable de faire cette belle reconversion. En juin 2012 j’ai eu mon diplôme de Kiné et, ensuite, je me suis intéressé de près à la nutrition et j’ai obtenu un certificat en micronutrition en 2017. Aujourd’hui, je consacre plus de temps au trail running et à tous ses à-côtés qu’à la profession de Kiné.
Le Blog Endurance Shop : Perso, moi je t’ai découvert cette année quand tu as gagné pour la troisième fois la Red Bull 400 à Courchevel. Je me suis dit « bon, quand même c’est qui ce mec qui met la pâtée à tout le monde sur le tremplin de saut à ski du Courchevel de mon enfance ??? ». Voici ce que disait le communiqué de presse d’ailleurs : « Ce samedi 6 juillet, 800 coureurs ont pris d’assaut le tremplin olympique de saut à ski de Courchevel pour la course la plus raide au monde, le Red Bull 400. Le français Thibaut Baronian, qui a remporté les 2 premières éditions, a e-n-c-o-r-e amélioré son temps, signant un nouveau record de France ». Pourquoi elle te correspond tant cette course ? Comment expliques-tu que tu restes intouchable sur ce défi de malade ?
Thibaut Baronian : Oui c’est vrai que cette course me réussit bien ! C’est un effort que j’aime bien, un mélange de puissance et d’explosivité, le tout en bosses !! Intouchable je pense pas, car bien préparé je pense qu’il est possible d’aller encore plus vite !! RDV en 2021 à Courchevel !!
Le Blog Endurance Shop : Je reviens exprès sur ton palmarès, en vitesse :
3 victoires et records à la Red Bull 400 en 2017, 2018 et 2019 à Courchevel
3 victoires sur le Wings or Life World Run en 2014, 2015 et 2016 (69km) en France, en Afrique Du Sud et aux USA
2 victoires sur la Skyrhune 2016 et 2017 (dont le record de l’épreuve) sur une distance de 21km dans le Pays Basque
Victoire & Record sur le trail des Forts de Besançon en 2019 (28km)
Victoire sur la Montée du Nid d’aigle, 20km en 2016 et en Haute-Savoie
Victoire sur l’Altispeed de 2015 à Val d’Isère
Victoire au Trail des Fiz sur le 30 km en 2015 et Haute Savoie
Victoire sur le Trail de 50 km de Serre Chevalier en 2014
2ème de l’OCC 2017 à Chamonix (56km)
2ème du Reventon Trail en 2018 sur 46 km (en Espagne)
2ème au Mascareigne à la Réunion en 2017
3ème à la Zegama 2019, au sein des GoldenTrail World Series
3ème de El Cruce Chili 2018 sur 100 km
4ème du Marathon du Mont Blanc 2018 à Chamonix
4ème du Championnat du Monde Red Bull 400 en Autriche et en 2018
6ème du Grand Trail des Templiers de Millau en 2016
6ème de la Limone World Cup Skyrunning de 2015 en Italie
6ème du Marathon Mont-Blanc 2019 à Chamonix et 1er Français
7ème à la Sierre-Zinal sur 32 km en 2017 et 1er Français (mais aussi 2ème meilleure performance Française en 44 ans d’histoire…!!!)
7ème à la Zegama 2018 et 1er Français.
C’est pas mal ! En tant qu’athlète Salomon quel est ton statut exactement ? Tu es payé par Salomon ou tu reçois juste des fringues et des prises en charge de voyages ? Les gens ne se rendent pas toujours compte de ce que c’est d’être un athlète pro ou semi-pro. C’est bien de démystifier de truc tout en continuant de faire rêver les jeunes à qui tu peux donner envie de suivre ton parcours.
Thibaut Baronian : Je suis donc en effet athlète du Team Salomon France et c’est avec ce team que j’ai un contrat. Il comprend un montant financier fixe mais aussi bien sûr une dotation matériel. J’ai aussi intégré le team international réserve, ce qui me donne aussi certains avantages comme des primes de course, des prises en charge pour mes voyages ou encore des participations aux développement produits.
Le Blog Endurance Shop : Pikes Peak Marathon. C’est quoi cette course exactement ? Pourquoi tu as choisi d’aller là-bas ? C’était ta première fois ? Et est-ce qu’il y a d’autres courses aux USA qui te font rêver ?
Thibaut Baronian : C’était la 64ème édition cette année. Le parcours est relativement simple : 21km de Manitou Springs au sommet de Pikes Peak à 4301m (soit 2200d+)….puis tu redescends par le même chemin ! C’est une course particulière de part son tracé mais aussi de part son altitude parce qu’en Europe on ne court jamais à ces altitude là ! C’était ma première fois oui et j’étais là-bas car c’était la 5ème manche des Golden Trail World Séries (et 4ème pour moi). C’est ma troisième meilleure perf’ sur la série. Non, pas de grands rêves américains, du moins pour le moment. Peut être la Hardrock un jour quand je ferai de l’ultra mais, globalement, ce sont des courses trop rapides pour moi et pas assez joueuses disons…
Le Blog Endurance Shop : Bon, tu t’es battu avec Kilian Jornet quand même sur ce Pikes Peak Marathon. Le mec à beau avoir 31 ans, il reste intouchable. Toi tu fais 7ème et premier français (le deuxième français est en réalité une française : Amandine Ferrato). C’est pas mal. Non non c’est bien c’est bien, je plaisante ! D’autant que tu mets grave à l’amende des garçons comme Max King ou Tim Freriks – sans doute plus des ultra runners, bien sûr. Tu peux nous raconter un peu ta course – tu finis 7ème derrière des gars qui sont tous plus vieux que toi, sauf un : comment ça s’est déroulé, les autres étaient-ils vraiment meilleurs ? Tu es content du résultats ? As-tu commis des erreurs ? Sage Canaday par exemple, le mec fait deuxième, n’est pas un inconnu…. Mais les autres qui sont devant, on ne les connaît pas trop : Marc Lauenstein, Aritz Egea Caceres, David Sinclair, Henri Ansio…
Thibaut Baronian : Après un mois de juillet très compliqué sans préparation spécifique et deux entorses cheville en 2 semaines, j’étais, c’est vrai, bien satisfait du résultat. J’ai été à la bataille pour le top 5 jusque dans les 3 derniers km. J’ai mal vécu la descente, j’ai beaucoup souffert du ventre au niveau du diaphragme, et aussi de la chaleur sur la fin de parcours. Ça reste malgré tout une course très correcte pour une première expérience. Kilian lui il est sur une autre planète, et il l’a encore démontré à la Sierre Zinal. Ensuite Sage Canaday était chez lui. Il connait bien le parcours et les altitudes. Je suis content pour lui, il fait une course vraiment solide par rapport à ses dernières perf.
Marc Lauenstein est loin d’être un inconnu : ancien vainqueur Marathon du Monc et Sierre Zinal, podium à Zegama…c’est un des meilleurs coureurs de « marathon trail » au monde. Ah, il est champion du monde de course d’orientation aussi. C’est mon chouchou dans le milieu. On s’entend vraiment très bien et je suis très heureux qu’on se retrouve sur la finale. Aritz est aussi un très bon coureur de marathon (top 10 GTWS l’an dernier, plusieurs top 5, depuis plusieurs années sur le circuit). Cettte GTWS rassemble les meilleurs coureurs au monde sur ce format et c’est vraiment une belle chose pour ce sport.
Le Blog Endurance Shop : Tu ne fais pas d’ultra. Je trouve ça très bien. Ça change. Aujourd’hui tout le monde veut faire de l’ultra. Comme si pour exister en trail running il fallait faire des longues distances, comme si l’ultra running était un sport accessible à tous, facile, alors que dans la réalité ce n’est pas vrai du tout. Tu es d’accord avec ce constat ? Tu y viendras un jour où pas ? L’UTMB par exemple, ou la Western States ® 100-Mile Endurance Run ça te fait pas envie ?
Thibaut Baronian : Non l’ultra n’est pas accessible à tous c’est sûr. Mais de plus en plus gens, et de coureurs, recherche des défis, ce qui passent souvent pas des courses longues. Les organisateurs jouent la surenchère parfois. Mais un nombre de km élevé ça n’est pas un gage de performance. C’est comme si en athlétisme, il n’y avait que le marathon qui comptait, ou comme si on demandait à Usain Bolt de courir le 10 000 m l’an prochain. Marcher des heures, c’est clairement pas ma vision du trail running. Pour moi, ça doit toujours rimer avec courir à une certaine vitesse. Mais je comprends très bien que certains y trouvent du plaisir. Disons que pour le moment, ce que j’aime moi c’est courir vite ! On me pose souvent la question, tous les jours en fait, pour l’ultra. Mais je sais pas, peut-être, un jour….J’ai envie, oui, c’est sûr, mais on verra ce que les saisons me réservent.
C’est certain, un jour je ferai l’UTMB…
Le Blog Endurance Shop : Tu vis à Besançon. Je ne connais pas Besançon. C’est un bon spot pour s’entraîner ? Dis-nous pourquoi/pourquoi pas.
Thibaut Baronian : C’est une ville bien équilibrée entre ville et campagne. Je suis en ville et en 3min je peux être sur les sentiers pour quelques heures. C’est vraiment chouette, une ville à taille humaine ! J’ai pas de grosses bosses. Mais de nombreuses collines que je peux enchainer entre 100 et 300 m de dénivelé. Je trouve tous les terrains, technique, roulants, boueux, très joueurs, très raides. Bref, j’y trouve mon compte, tout en gardant le côté citadin pas trop loin !
Le Blog Endurance Shop : Sur la Skyrhune dernièrement, finale des golden trails séries France/Belgique tu as déclaré : « Une course au pays basque, unique en son genre. 21km 1700D+ et une ambiance digne du tour de France. Une première partie de course très difficile, où j’ai souffert de la chaleur puis une bonne seconde, où je reviens au contact du podium avant de chuter lourdement sur la fin de parcours. Au final une 5e place, un nouveau record de l’ascension de la Rhune et le maillot à pois du meilleur grimpeur ( 4 participations, 2 maillots jaunes, 4 maillots à pois!) ». Tu voudrais ajouter quelque chose ou c’est suffisant comme description et analyse de ta course ?
Thibaut Baronian : Non. Ah si, j’ajoute que l’after est aussi chaud que la course ! L’ambiance est dingue, totalement incroyable. J’adore vraiment y aller.
Le Blog Endurance Shop : Bon alors tu as une tournée trails qui s’annonce entre le 4 octobre et le 10 novembre. Tu vas enchaîner le Natureman dans le Verdon, en relais trail running le samedi et vélo le dimanche, la finale des Golden Trail World Séries le lendemain et enfin pour l’Annapurna Trail le 25 Octobre (42km 3200D+). On va commencer par les Golden Trail World Séries si tu veux bien. Déjà, c’est quoi ce truc : c’est un nouveau championnat qui est uniquement des courses Salomon ? Perso moi je ne connais pas trop…
Thibaut Baronian : C’est une série qui a maintenant deux ans et qui réunit six gros rendez-vous trails de l’année sur des formats courts (entre 22 et 42 km). Tu dois faire au moins 3 courses pour prétendre au classement général, et les 10 premiers du général après les 6 manches sont primés et gagnent le voyagent sur la finale : Cap Town en Afrique du Sud en 2018, Népal 2019… C’est la série mondiale où l’on a retrouvé la plus grosse densité tout au long de l’année. Ça a été un peu comme une coupe du monde du format court si tu veux. J’ajoute que cette série est supportée par Salomon depuis sa création.
Le Blog Endurance Shop : Annapurna Trail le 25 Octobre où tu vas faire le 42km 3200D+ qui s’appelle l’Annapurna Trail Marathon route. Ça c’est un beau voyage ! Mais c’est aussi un défi de fou ! Comment tu vas te préparer pour un truc aussi dingue ?
Thibaut Baronian : C’est la finale des GTWS dont je te parlais juste avant du coup. Ça reste un format classique, avec un joli dénivelé. À cette époque de l’année, j’entretiens mes capacités, je ne fais pas de gros blocs de préparation, surtout que la forme semble être là. Donc on ne s’énerve pas… J’ai fait un peu de fraicheur en juillet avec mes blessures, et ça m’a fait du bien. C’est du plaisir, toujours, et un beau voyage avec tous les copains pour clôturer cette belle saison.
Le Blog Endurance Shop : Bon et puis ta traversé du Cap Vert c’est quoi l’idée, le principe ? Tu le fais pour récolter des fournitures scolaires c’est ça ? Comment est né le projet ? J’indique que ton parcours est dispo ici : https://www.openrunner.com/r/9663962
Thibaut Baronian : Le cap vert c’est un projet perso, en off comme on dit, sans dossard. Disons que c’est pour changer un peu, casser la routine des courses. L’idée, c’est de traverser l’île de Santo Antao d’Ouest en Est (île la plus étendue) et d’amener des fournitures scolaires mais aussi sportives sur place (environ 120kg). C’est un projet sportif & solidaire. L’idée est aussi d’immortaliser tout cela avec un petit film (environs 12 min). Le projet sportif en chiffre : 95km / 5500D+ / départ jeudi 31 octobre à 5h30 / 3 caméramans-Photographes / Quelques belles heures sur les chemins.. C’est mon fil rouge 2019. J’ai pensé et monté le projet de A à Z. C’était stimulant. Il a fallu trouver des partenaires financiers & matériel, une équipe, récolter des fournitures scolaires, monter une cagnotte Ulule, monter le projet solidaire avec les locaux… On sera une équipe de 10 ! J’ai hâte d’y être.
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