
Accrocheuse, bagarreuse, fière. Fragile ?
Hauteur talon de 30 mm (H), 24,5 mm (F)
Hauteur avant-pied / métatarses de 24,5 (H) 20,5 mm (F)
Drop de 5,5 mm (H) et 4 mm (F)
135€
Que ceux qui ne connaissent pas Saucony aillent tout de suite se cacher. La marque (on dit sock-uh-knee) est en effet née en 1898, il y a donc 120 ans ! Son nom vient de la rivière Saucony Creek, en Pennsylvanie, un état du Nord-Est des USA, juste à l’Ouest de la ville de New-York, où a été créée la marque. Saucony, en langage d’Indiens d’Amérique, les fameux Native Americans, veut dire « là où deux rivières se rencontrent ». Son logo, reconnaissable entre tous, représenterait cette même rivière. Dès le début du 20ème siècle, la marque équipe les coureurs à pied de la région avec une chaussure à pointes plus souples que ce que proposait jusqu’à présent le marché de la chaussure de running aux USA. Ce n’est qu’en 1968 que la marque déménage à Cambridge, dans le Massachusetts, un peu plus au Nord, et juste à côté de Boston. Elle y est depuis restée. Les années 70-80 marquent aux USA le début du boom du running que nous connaissons et qui ne s’est jamais vraiment essoufflé. Suivront alors pour la marque des modèles qui ne sont, là encore, presque jamais passés de mode : Trainer 80, Jazz, DNX Trainer, Shadow, Grid… Avant de rentrer dans le vif du sujet avec le test de cette nouvelle Peregrine, 8ème du nom, notons que la marque est également très investie aux USA dans la recherche de l’amélioration du mode de vie des enfants qui, comme on le sait, ont parfois de bien tristes problèmes d’obésité. Ainsi, la marque a déjà reversé près d’un million de $ à diverses associations qui se battent dans ce sens.
La Peregrine est donc un des modèles classiques de trail running de la marque « sock-uh-knee », avec bien sûr la Xodus, et désomais la belle Koa. Les cinq premiers modèles passés de Peregrine n’avaient jamais subi de transformations importantes : quelques changements de couleurs ici et là, un peu plus de légèreté dans certains matériaux de semelle et d’autres petits changements apportés principalement à la tige. Mais la chaussure restait fidèle à son design d’origine. À partir de la Peregrine 6, nous avons commencé à voir de plus profondes évolutions. La n°7 suivait cette tendance mais c’est aujourd’hui avec cette Peregrine 8 que les changements les plus radicaux ont été réalisés. D’abord la tige est quasiment méconnaissable, et puis la plaque interne de la semelle contre les cailloux et autres objets pointus (rock place comme disent les Américains) a totalement disparu. Les choses qui n’ont pas changé en revanche, sont l’incroyable agressivité de sa semelle externe, sa conduite basse, proche du sol, et son faible drop. Pour avoir déjà testé et fortement apprécié la Xodus, j’ai abordé mes premières sorties avec mes Peregrine en totale confiance, très optimiste. J’avais tellement envie de tester cette incroyable accroche (des crampons de 6 mm ? Vraiment ?) ; accroche que je n’avais pas eu le loisir d’apprécier sur la Xodus car sa semelle externe m’avait valu quelques jolis déséquilibres à la dernière Saintelyon très enneigée il est vrai. J’avais donc envie d’un top model plus agressif, plus bagarreur, mais tout aussi facilement domptable, qui m’écouterait et même m’obéirait au doigt et à l’oeil. Bref, j’avais besoin d’un modèle de chaussures baroudeur, capable d’être de tous mes 400 coups, de me rester fidèle dans mes missions impossibles, mes combats de l’inutile, dans les bois, près de chez moi, comme dans mes aventures lointaines, parfois en terre étrangère. J’avais besoin d’un légionnaire.
La tige
Pour ceux qui connaissent, la tige de la Peregrine 8 ressemble étrangement à celle de la Xodus ISO. Elle est légère et très respirante – aucune sensation de cocote minute dans l’habitacle à déclarer – ce qui pourrait bien sûr être un souci cet hiver sous la neige ou la pluie froide car cette tige est fine, presque fragile. Rassurez-vous : il existe une version imperméable en Gore-Tex. On pouvait s’en douter : les hivers près de Boston sont particulièrement rigoureux. Sur cette tige-là, on remarque tout de suite les fines pellicules en caoutchouc stretch et translucides qui entourent le pied, par l’extérieur. C’est ce que la marque appelle le Flexfilm : il s’agit d’un film de protection cousu à même le mesh et dont la fonction est le maintien du pied à l’intérieur de la chaussure avec un confort maximum. Ils courent du bord de la semelle intermédiaire jusqu’aux oeillets des lacets. Les coutures sont externes donc pas de panique : même pieds-nus, le chaussant interne restera des plus confortables. Vu la souplesse de l’ensemble, cette technologie Flexfilm agît d’ailleurs sans jamais serrer ou gêner, ni bien entendu blesser. Le ressenti du chaussant de l’avant-pied est également plus large. Vous pouvez désormais faire bouger vos orteils ! C’est en partie dû au fait que la version 7 accumulait quand même un peu les couches sur la partie externe de la tige. C’était protecteur, oui, mais un peu emprisonnant pour ceux dont les pieds sont les plus larges.
Un point de détail intéressant qui aide à illustrer la qualité de l’attention que Saucony porte au confort de cette chaussure : sur les six oeillets de lacets de chaque côté, trois sont indépendants du reste de la partie externe de la tige. Ils sont rattachés à l’intérieur du chaussant : cela permet un serrage plus précis, plus personnalisé, toujours avec cette idée formidable d’assurer le plus parfait des maintiens possible. Les lacets sont plats et également élastiques, ce qui, là encore, va dans le sens d’un grand confort. C’est ça, le confort, je le répète, le gros point positif à retenir de cette tige.
Un mot sur le collier de cheville et la languette : tous deux sont bien épais, doux. La matière c’est le RunDry. Designé pour être très agréable contre la peau, il est aussi sensé avoir des propriétés de séchage rapide (pour ne pas retenir la sueur ou l’eau qui viendrait de l’extérieur), ce qui est aussi excellent pour lutter contre les mauvaises odeurs. On le voit bien sur les photos du dessus. Là encore c’est du moelleux ! Malgré un contrefort talon ferme, il tient le talon en place pendant votre course, et garanti une conduite plus précise quel que soit le terrain, la partie intérieure du talon est plus douce, et plus souple, que la version précédente, la Peregrine 7. C’était parfois un soucis pour certains coureurs car ils avaient besoin de « casser » un peu la chaussure pour être au mieux. Ces critiques ont donc, semble-t-il été entendues par Saucony. Bel effort dans l’amélioration du confort du pied.
Questions renforts externes maintenant, nous sommes quand même dans une chaussure de trail running n’est-ce pas, la marque en a judicieusement placé trois. Ils sont légers mais efficaces pour le coureur qui va vite, cherche la précision et ne laisse pas traîner ses pieds n’importe comment : devant, derrière et sur le bord externe du médio-pied. L’idée est bien sûr de protéger des irrégularités du terrain, des branches ou des rochers qui viendraient se mettre en travers de votre route – façon de parler bien entendu – mais la relative légèreté de ces renforts, tendent également à prouver que ce modèle penche plus vers la compétition que vers la randonnée. La légèreté du modèle (314g maximum) est à ce prix. À propos de prix, j’ajouterai que la chaussure est plutôt bien positionnée. Et c’est d’autant plus agréable que si cette tige est souple, elle n’est peut-être pas des plus résistantes. Bien sûr, nous usons tous les chaussures un peu différemment mais c’est une caractéristique que j’ai notée, sans pour autant avoir eu l’impression d’être particulièrement violent et destructeur (même si je suis une brute en course à pied c’est vrai…non je plaisante).
La semelle intermédiaire
Sa construction est double : d’abord il y a l’Everun sur le dessus, au plus près du pied, puis, dessous, une mousse plus classique nommée PWR. L’Everun ? C’est un composant techniquement supérieur à un EVA classique. La marque a commencé à l’utiliser fin 2015, lancée juste avant le marathon de NYC sur son modèle Triumph ISO 2 en remplacement de son système Powergrid. Chanceux que nous sommes – chanceux que vous êtes – nous avions déjà eu le loisir d’apprécier l’Everun. Voir plus bas. Oui mais alors, l’Everun, c’est quoi exactement ? Et bien ce sont des milliers petites billes de TPU fusionnées les unes avec les autres. Comme le Boost d’Adidas alors ? Un peu comme le Boost d’Adidas, oui. Quoi qu’il en soit, et d’après la marque, l’Everun est sensé offrir 83% de retour d’énergie en plus que les EVA classiques, tout en étant capable de conserver ses propriétés trois fois plus longtemps, malgré le froid, ou la chaleur, ce qui n’est pas le cas pour l’EVA (celui-ci durcit nettement au froid et devient plus mou et moins amortissant avec la chaleur). La qualité de l’Everun en tant que technologie c’est qu’elle est à la fois amortissante mais aussi, et surtout, plus résiliante, c’est à dire plus dynamique : elle reprend donc sa forme initiale après chaque foulée.
Concernant l’Everun, nous vous l’avions introduit ici, et là :
Notons que l’Everun est disponible en deux types de fabrication au sein de la gamme de chaussures de running Saucony. Option 1 : seule la partie supérieure de la semelle intermédiaire est en technologie Everun. Cela rend la chaussure plus ferme. C’est par exemple le cas de la Kinvara 9, la Guide Iso 2, l’Echelon 7 et notre petite Peregrine 8. Saucony appelle cela l’Everun Topsole. « Topsole », littéralement « au-dessus de la semelle », c’est donc parce que l’Everun est au-dessus du reste de la semelle intermédiaire, mais ne représente pas la semelle intermédiaire dans son entier. Option 2 : toute la semelle intermédiaire est en Everun, ce qui donne des chaussures plus amortissantes, plus douces au pied aussi, moins fermes. C’est par exemple le cas des Hurricane ISO 4, Liberty ISO, Triumph ISO 5 et Freedom ISO. Pour résumer : l’Everun c’est donc plus ou moins de confort, selon que vous êtes en Topsole ou pas, mais sans jamais perdre de vue le dynamisme qui le caractérise et nous tient tant à cœur.
Pour le reste de la semelle intermédiaire de notre Peregrine 8 – sous cette Topsole donc – on retrouve une mousse plus classique nommée PWR. Sa fonction est double : amorti et stabilité, et c’est à mon avis ce dernier point qui est le plus intéressant, l’Everun jouant déjà un rôle dans le domaine de l’amorti. Car ce rajout de stabilité, c’est une sorte de « soft power » bienvenue. On n’est plus en présence de ces pièces de plastiques rigides comme on en a souvent vu (c’était par exemple le cas sur la Liberty ISO). C’est donc plutôt une bonne idée sur une chaussure de trail car ça nous rassure grandement quand le terrain devient technique, en descentes, voire carrément glissant.
Pour résumer la qualité de cette semelle intermédiaire, je dirais qu’elle sait s’adapter à tous les terrains. La chaussure est presque 30g plus lourde que la précédente, la Peregrine 7, mais cela ne se sent pas. Car elle est plus souple. L’Everun court d’ailleurs sous tout le pied. Du coup, cette n°8 permet d’aller vite sans avoir l’impression d’avoir des Chamallow aux pieds mais sait aussi offrir un joli dynamisme sur les portions plus dures, les rochers, la route (oui oui la route : malgré ses épais crampons, elle n’y est pas si désagréable que cela). Merci le mix Everun et PWR ! Le résultat : une chaussure souple et très très joueuse. Sous ses airs de petit dur, elle a donc un grand cœur !
La semelle externe
Dès les premières foulées, on se rend compte que ces crampons, nommés PWRTRAC, sont encore plus redoutables que les modèles précédents. Ils permettent une accroche dans toutes les situations, sur tous les terrains : herbe, boue, cailloux, sables, neige, et dans tous les sens. Aucun dérapage n’est possible ! Aucun mouvement fébrile ne viendra vous surprendre.
Pourquoi ? C’est la disposition de ces crampons qui en est la cause. Placés en chevron, ils sont plus efficaces que sur beaucoup d’autres modèles de chaussures car ils aident dans tous les sens, en montée comme en descente, dans les parties droites comme dans les virages. L’autre raison de cette formidable accroche, c’est encore la souplesse de la semelle : sans la rock plate dont je vous parlais plus haut, avec des encoches bien placées sous le médio-pied et dans le sens de la longueur, celle-ci fait davantage corps avec le terrain. C’est proprement incomparable.
Conclusion
Une belle réussite que je conseille à ceux qui veulent un peu de fermeté sous le pied, une chaussure rapide avec une accroche incomparable. Elle est bien sûr à réserver aux jours les plus gras, même si elle n’a pas à rougir de sa conduite sur le bitume vu la taille de ses crampons. Au-delà des 85-90 kg, et afin d’avoir un amorti suffisant, surtout sur longues distances, je conseillerais plutôt une semelle en full Everun, comme la Xodus ISO 3, sa grande sœur. S’il y avait un défaut (à confirmer toutefois) c’est la solidité de sa tige. Je ne suis pas sûr. À vérifier.
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