
Asics, Mizuno, nutrition, compression.
Par la rédaction, avec Gaël Couturier. Photos © Lacerations, Asics Japan.
Quatrième et dernier volet de nos reportages sur les magasins de running dans la ville japonaise. Après avoir parlé des magasins en propre Nike, New Balance et Asics, voici maintenant l’exemple d’un magasin indépendant spécialisé running. L’Endurance Shop de Tokyo en quelque sorte. Celui-ci nous a été conseillé par Brett Larner, l’agent du champion Yuki Kawauchi, le japonais vainqueur génial du dernier marathon de Boston. Brett est un américain qui vit à Tokyo depuis de nombreuses années. Autant dire que c’est un sacré spécialiste. Vous allez voir, ce magasin, c’est à la fois folklorique, exhaustif et bien foutu.
Quand on a appelé Brett il y a quelques semaines, quand nous étions encore en balade au Japon, celui-ci nous a conseillé trois shops : B&D à Shibuya, Art Sports près d’Okamachi Station et Gallery à Shinjuku. N’ayant pas le temps de visiter les trois – et oui c’est bête, on sait – nous en avons choisi un au hasard : Gallery à Shinjuku, que l’on trouve en réalité sous l’appelation « Sports shop Gallery 2 Shibuya » sur Google map.
D’abord, un point intéressant : le shop n’a pas pignon sur rue. Pas de vitrine, pas de signes extérieurs de richesses, même pas une plaque dorée à son nom ou en bronze, en pierre, en marbre, en plastique. Rien. Il faut donc comprendre que dans la culture japonaise du shopping, entrer dans un immeuble et prendre l’ascenseur comme pour aller dans un appartement est une chose courante (À Hong Kong aussi me direz-vous avec raison). L’accès se fait aussi par les escaliers et, d’ailleurs, pour être tout à fait honnête, à peine on avait fait un pas dans le hall de l’immeuble, celui-ci n’est pas très haut, qu’on a réalisé que les premiers étages sont consacrés à quelques shops. Une grosse librairie au premier, ce shop de sports au second. Oui, car on ne vous l’a pas encore dit mais « Sports shop Gallery 2 Shibuya » n’est pas seulement un magasin spécialisé running : il fait aussi très bien le basket, le baseball et le tennis. Nous passerons sur ces derniers. À peine pénétré à l’intérieur du magasin, le running vous saute aux yeux, ou à la gorge. 70-80% du shop est consacré à notre sport. La belle affaire ! La société japonaise est à priori très ordonnée, très régulée, très hiérarchisée mais là….c’est un peu le souk quand même. Il suffit de regarder nos photos pour s’en convaincre. La faute à trop de matos et pas assez d’espace sans doute, un vrai problème dans l’immobilier à Tokyo d’une manière générale, qu’il soit d’ordre privé ou professionnel.
Dans les trois shops tokyoïtes dont nous vous avons déjà parlé ces dernières semaines (New Balance, Asics et Nike donc), l’équilibre régnait plutôt entre segment femme et segment homme, démontrant une parité sans faille. Mais ici, dans ce « Sports shop Gallery 2 Shibuya », c’est carrément l’inverse ! Les femmes ne sont pas à l’honneur du tout, comme en témoigne la photo du dessus qui donne l’impression qu’elle a été prise dans un shop des années 80, allez, 70 même. Running à la papa (ou à la maman là plutôt du coup) bonjour ! Au secours !!!! On le sait, la société japonaise n’est clairement pas très avancée en matière de parité homme-femme, dans tous les domaines de l’existence, le running y compris. New Balance, Asics et Nike sont des marques internationales, dont le parcours marketing s’inscrit dans un modèle global. Malgré leurs différences, leur singularité culturelle de marque, ces trois shop ont en commun des codes internationaux, des dénominateurs communs. Cela explique que les femmes y sont presque autant représentées que les hommes. À l’inverse, l’organisation de ce shop spécialisé totalement indépendant est quant à lui particulièrement fidèle à un certain modèle japonais, où l’homme passe avant la femme. C’est d’ailleurs, pour s’en convaincre, ce que constatait encore il y a peu, avec clarté et regret, le très bon article du New-York Times suivant (en anglais malheureusement). Cet article, impressionnant, est particulièrement révélateur de la culture et de la situation d’un pays qui souffre bien plus qu’il n’est prêt à l’admettre de son traitement réservé aux femmes. Ce traitement est, bien entendu, beaucoup moins arriéré que dans certains autres pays. Il faut évidemment relativiser. Mais le Japon sait aussi tellement faire preuve de modernité que cette dichotomie est, disons, étonnante : https://nyti.ms/2DPtFa8
Pour être tout à fait honnête, histoire de rendre à César ce qui appartient à César, le gros magasin Nike de Tokyo que nous avons visité (souvenez-vous :https://leblog.enduranceshop.com/nike-harajuku-tokyo-reportage/) sur-représentait même un peu plus les femmes, du moins pour le choix des vêtements. Mais là encore, Nike, venant du pays du #metoo, a bien compris l’importance du marché du sport féminin et fait figure de modèle dans ce domaine à travers le monde. Ce magasin spécialisé ne s’est visiblement pas inspiré du géant américain, pourtant à quelques pâtés de maisons de là. #tristess. Car ce qui frappe, c’est l’espace minuscule réservé aux femmes que la photo plus haute illustre parfaitement. Ce qui frappe aussi, c’est l’importance donnée aux marques japonaises, Asics et Mizuno en tête, deux marques sur-représentées dans ce shop.
Chez Asics, on note par ailleurs un petit corner dédié à l’étonnante gamme Tenka. Le lien local est celui-ci : https://www.asics.com/jp/ja-jp/mk/trackfield/tenka. C’est en japonais mais ça vous donne une idée. Nous n’avons pas plus d’infos pour le moment sur cette gamme 100% Japan mais le design du logo en forme de casque samouraï est plutôt intriguant et bien foutu, il faut le reconnaître. Bon, le corner n’est pas très grand et ce n’est pas non plus quelque chose qui avait été mis en avant dans le shop Asics (ici : https://leblog.enduranceshop.com/asics-harajuku-tokyo-reportage/). Il n’empêche que cette gamme Tenka nous a bien bien tapé dans l’oeil, de par son esthétique très pure et très japonaise, très zen et également guerrière, volontaire, battante.
Ce dont sont très friands les japonais, on le savait, ce sont toutes les formes de « taping », colliers et bracelets de ré-équilibrage des énergies, dont la marque Phiten avait d’ailleurs été la première à explorer ce nouveau territoire. Ici, c’est quelque chose d’extrêmement bien représenté. Les marques y sont, à notre connaissance, toutes japonaises.
Autre domaine de prédilection des coureurs spé’ japonais : la compression. Hormis 2XU, marque australienne que l’on retrouve soldée ici et là, deux marques japonaises se distinguent nettement : CW-X® (distribué dans le monde par des New-yorkais mais originaire de Kyoto) et Zamst, née au Japon dans le volley-ball en 1991 et par ailleurs présente en France chez Endurance Shop.
Dernier domaine qui nous intéresse et dont le corner, petit en taille mais extrêmement bien garni en produits a également attiré notre attention : la nutrition. Là encore, comme vous allez le voir sur les photos suivantes, on retrouve un max de produits made in Japan. On note aussi, près de la caisse cette fois, un petit frigo rempli de boissons étranges et autres mélanges énergétiques, voire potions magiques, made in Japan toujours.
Conclusion
Un shop spécialisé qui ne paye au départ pas trop de mine mais qui est en réalité assez exhaustif et aussi très instructif sur la culture running japonaise. Celle-ci est avant tout masculine, chauvine, mais aussi très axé sur la nutrition et les accessoires pour la santé et l’amélioration des performances. Le textile classique étant quant à lui quelque peu délaissé ou, du moins, peu mis en valeur. Une preuve de plus que la compression, depuis de nombreuses années distribuée dans notre pays, est toujours à prendre au sérieux. On le sait, le Japon est une vraie nation de course à pied. La ferveur des Japonais pour ce sport n’a rien à voir avec la nôtre. Elle est bien supérieure. Un exemple ? Il y a là-bas des courses en relais qui se déroulent sur une journée entière et qui connaissent un succès fou à la télévision nationale : celle-ci les retransmet en direct, toute la journée. Chose impensable en France, ou même ailleurs en occident.
Voilà, c’était donc le dernier opus de notre balade au pays du soleil levant. Sayonara les enfants !!!
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