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Tchad : courir ou mourir

Non ce n’est pas un bis repetita du livre de Kilian Jornet qui portait ce titre pour le moins radical « Courir ou mourir ». Et non ce n’est pas une blague non plus. Avant de rentrer plus précisément dans le vif du sujet et tenter d’apporter une réponse à la question de savoir s’il est sage, un peu inconscient, ou complètement suicidaire, d’aller faire une course dans le désert du Tchad en ce moment, je précise que je ne suis ni un éminent chercheur en sociologie des courses dans le désert, ni le fils spirituel ou illégitime de Théodore Monot et encore moins un ancien barbouze spécialiste de la géopolitique de la zone subsaharienne en particulier ou des situations de guerre en général. Néanmoins, mes 5 participations au Marathon Des Sables, mon Libyan Challenge et mes voyages en tant que journaliste en Irak et en Afghanistan aux côtés des soldats français et américains pendant les récents conflits, sans oublier mes 3 années vécues en Inde à organiser un 100 miles dans un désert à la frontière avec le Pakistan, me font croire que l’interview suivante peut vous éclairer sur la délicate question que soulève aujourd’hui le TREG, cette course à pied qui va se dérouler dans quelques jours au Tchad, dans un pays en guerre où la France est engagée militairement avec des troupes au sol. Je tiens à remercier Jean-Philippe Allaire, l’organisateur du TREG, qui s’est prêté au jeu de l’interview à deux reprises et sans jamais s’énerver voire même me raccrocher au nez alors que je l’ai parfois, je le reconnais, un peu secoué, du moins poussé dans ses retranchements. Notez que je lui redonnerai la parole dans ces colonnes une fois sa course passée.

N’hésitez pas à faire part de vos remarques dans l’espace réservé aux commentaires à la fin de cet article. Tout abus sera sévèrement puni (allez, hop, au Tchad !).

Sujet réalisé par Gaël Couturier. Photos organisation TREG.

Le Tchad : magnifique décor

Dans le domaine des courses de désert, il y a d’abord le Marathon Des Sables : 250 km, des températures de dingue, des pieds en miettes et la course à étapes, non pas la plus dure, mais la plus populaire du monde. Le MDS, c’est en effet la reine des courses de désert, et son nombre incroyable d’inscrits chaque année est à la hauteur de la qualité de son organisation depuis 1986, mais aussi de la sécurité qu’elle a toujours été en mesure d’apporter aux coureurs qui s’aventurent dans cette partie du Sahara marocain. Le Maroc, pays où les attentats terroristes sont heureusement rares – 6 français tués à Marrakech en 2011 quand même – est d’ailleurs actuellement décrit par le site internet du ministère des affaires étrangères comme « un pays sûr où le tourisme peut se pratiquer sans difficulté », les voyageurs devant y faire preuve d’une « vigilance normale » sur l’ensemble de son territoire.

Pays « déconseillé sauf raison impérative »

A l’autre bout de l’Afrique, dans le Sahel, il y a le TREG (le-treg.com/fr/), une course à l’esprit familial, et donc forcément ultra sympathique si vous recherchez plus de silence et de désert pour vous tout seul. L’épreuve a été lancée en 2014 par Jean-Philippe Allaire, ancien ingénieur informatique devenu, entre autre, chef d’entreprise et conseiller en communication des 20 km de Paris. Ce TREG se déroule dans un site classé au patrimoine de l’humanité par l’UNESCO. Autant dire que ses paysages sont sublimes. Comme l’était le Libyan Challenge aujourd’hui disparu, il repose sur un principe simple, mais fort : un parcours de 45, 90 ou 180 km au choix et en non-stop, un large cut-off qui permet à tous d’en profiter, un nombre restreint de participants et des paysages à couper le souffle – limite à vous faire avoir une crise cardiaque ou bien vous faire immédiatement rentrer dans les ordres. Car si les dieux existent, ils ont sans aucun doute béni cet endroit. Bref, le TREG, ça vous marque à vie.

Oui mais voilà, tandis que le Libyan Challenge se déroulait au sud de la Libye, près de la frontière algérienne étroitement surveillée par les solides troupes d’un Kadhafi à la main de fer, ce TREG se déroule au Tchad, un pays frontalier de la Libye, où malheureusement la menace terroriste – mais aussi celle de se retrouver au milieu de trafics en tout genre – est une triste réalité. La preuve : l’armée française est en pleine opération extérieure sur la zone avec pas moins de 4000 soldats, son deuxième plus gros contingent déployé hors de notre territoire national actuellement, après l’Irak et la Syrie. Déjà intervenue militairement au Tchad dans les années 80, l’armée française y est donc à nouveau au combat. L’opération baptisée Barkhane a été lancée en 2014, elle aussi, pour faire face à la menace terroriste qui pèse sur les principaux pays de la bande sahélo-saharienne : la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina-Faso et donc le Tchad, que le site du ministère des affaires étrangères déconseille fortement, sauf raison impérative, autrement dit professionnelle.

Combat ? Terrorisme ?

Et oui. Car si l’armée française est engagée aux côtés des forces de ces pays partenaires dont elle a pour mission d’aider à assurer leur sécurité de façon autonome, elle n’en reste pas moins autorisée à intervenir pour empêcher la reconstitution de zones de refuge terroriste, autrement dit : faire le coup de feu. Et les soldats français y perdent encore régulièrement, mais rarement, la vie : 8 morts en deux ans. Le 4 novembre dernier, un engin explosif au Mali a ainsi tué un de nos soldats et blessé trois autres, rappelant donc avec une pertinence funeste qu’au Sahel, comme l’écrit encore le site internet du ministère de la défense, « les groupes terroristes continuent de faire peser localement une menace meurtrière ».

Dans cette région immense vaste comme l’Europe, et donc difficilement sécurisable, l’armée française a aménagé trois points d’appui permanent : à Gao au Mali, à Niamey au Niger et à N’Djamena dans le sud-Ouest du Tchad, à 900 km de là où se déroule la course TREG. Celle-ci a lieu dans la partie Nord-Est, à environs 300 km de la frontière libyenne. Mais l’armée française a également installé une base avancée temporaire à Faya-Largeau, à environs 280 km de la zone où devrait donc courir cette année la petite quarantaine d’engagés sur le TREG. Comme vous allez pouvoir le lire dans l’interview suivante que nous avons réalisée par téléphone à deux reprises entre le 23 et le 30 janvier, l’organisateur se veut rassurant, confiant. Ce qui n’a bien sûr rien d’étonnant.

Running Café : Est-ce qu’on peut en savoir un peu plus sur votre parcours. J’ai l’impression que vous faites beaucoup de choses mais on ne fait pas forcément le lien entre toutes ces choses. C’est important d’informer les coureurs sur qui tient les rênes de votre organisation afin de pouvoir jauger de son sérieux.

Jean-Philippe Allaire : J’ai 53 ans et, de formation, je suis ingénieur dans le domaine de l’informatique et des technologies du numérique. Aujourd’hui, je suis à 100% investi dans l’organisation d’événements sportifs, soit sur un mode consulting soit en propriétaire et concepteur. Je gère notamment les partenariats et la communication des 20 km de Paris et j’organise le TREG, avec mes partenaires Point-Afrique Voyages et l’Office du tourisme du Tchad en France. Je me suis aussi occupé du premier marathon de la ville de Dakar au Sénégal pour Eiffage, en 2016 où nous avons eu 15 000 participants. Parallèlement à tout ça, je m’occupe depuis 2006 d’Africa Run, une association qui collecte des chaussures de running usagées et les achemine dans les zones rurales d’Afrique de l’Ouest. 15 000 paires de chaussures y ont été acheminées depuis le lancement de l’association.

Running Café : Et le Tchad alors ?

Jean-Philippe Allaire : J’ai commencé à y faire des voyages de mon côté, en tant que touriste en 2012, dans cette région de l’Ennedi. Il m’a fallu deux ans pour y penser. Et en février 2014, j’ai lancé le premier TREG.

Courir au Tchad

Running Café : Bon, mais à part ça, vous êtes sportif rassurez-moi ?

Jean-Philippe Allaire : Je suis marathonien depuis l’âge de 25 ans. J’ai fait pas mal de route, comme tout le monde, trois marathons de New-York notamment, une quinzaine en Europe et puis, comme beaucoup, je suis peu à peu devenu trailer et même ultra trailer avec notamment quatre UTMB à mon actif. J’essaie de continuer à courir mais à plus de 50 ans, j’avoue que la carcasse se déglingue un peu : l’an passé, les médecins m’ont trouvé une artère coronaire bouchée et m’ont posé un stent, un petit ressort qui l’empêche de se reboucher. C’est d’ailleurs la seule et unique raison pour laquelle le TREG en 2016 n’a pas été organisé après l’avoir été avec succès en 2014 et 2015. Je n’avais tout simplement pas le droit d’aller dans les zones reculées comme l’Ennedi. Mais tout ça est terminé puisque j’ai à nouveau mon certificat médical en bonne et due forme pour refaire de la course à pied en compétition.

Le TREG se déroule au Tchad

Running Café : Si on reste sur un plan purement sportif, pourquoi irais-je faire le TREG plutôt que le Marathon Des Sables, le Trans Atlas Marathon ou encore le LIWA Challenge ? OK pour le côté non-stop par rapport à la course à étapes mais quand sur votre site vous dites « le parcours du TREG®  relie 6 sites naturels d’une beauté exceptionnelle alors qu’il n’y a pas de sites naturels sur le parcours du MDS » je vous avoue que je ne comprends pas bien ce que vous voulez dire par  » au Marathon Des Sables je n’ai perso jamais vu d’autoroute… ».

Jean-Philippe Allaire : Ce que je veux dire c’est que sur le TREG, comme vous pouvez le voir sur la carte, les coureurs passent à côté de huit sites naturels d’exception. Moi qui ai fait pas mal de désert, je n’ai jamais vu cela. Il y a par exemple deux canyons typiques du Sahara, qu’on appelle gueltas et qui sont très impressionnants. Ce sont des falaises ombragées, protégées du soleil et qui apportent de la fraicheur et de l’ombre, avec notamment de l’eau dans le fond. Vous avez aussi des labyrinthes, cinq arches naturelles, dont la deuxième plus grande du monde, la première étant en Chine, et des peinture rupestres tout autour du camp de base. Ce que je veux dire c’est que vous êtes dans un niveau de beauté des paysages qui n’a rien à voir avec ce qu’on peut trouver ailleurs. Des courses, j’en ai fait quelques-unes moi aussi ! Je n’ai jamais fait le Marathon Des Sables cela dit, c’est vrai, mais j’ai fait des rallyes raid dans la même région. Je ne cherche pas à faire de comparaison malheureuse. Ce que je souhaite, c’est que les coureurs puissent découvrir différentes choses pour se faire leur propre avis et ne se cantonnent pas à toujours faire la même chose. La preuve : vous comme moi, nous avons fait chacun quatre fois l’UTMB. CQFD. Je ne dis donc pas que telle course est mieux que telle autre. Ce n’est pas ça. Je cherche simplement à défendre les atouts de ma course et je sais, je peux l’affirmer, qu’en matière de paysages, cette région de l’Ennedi est exceptionnelle. A ce titre, je rappelle que la région vient d’être élue, en juillet dernier, au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Running Café : Votre premier prix est à 2950€ mais, en fonction des dates auxquelles on s’inscrit, il monte jusqu’à 3350€, quelles que soient les distances, 45, 90 ou 180. C’est, au départ, 350€ moins cher que le Marathon Des Sables, qui dure au total 10 jours avec 6 étapes et une distance d’environs 250km, mais c’est, au final pour les retardataires, 50€ de plus. Expliquez-nous ce que vous incluez dans le prix ?

Jean-Philippe Allaire : C’est « all inclusive » : ça comprend le vol Paris N’Djamena,  les transports terrestres en 4×4, le GPS et le roadbook pour la navigation, la balise satellite de géolocalisation, l’hébergement en bivouac, la nourriture avant et après la course et les ravitaillements en eau pendant la course. Si vous vous êtes dans la première vague d’inscriptions, vous payez donc 350€ de moins et vous avez beaucoup plus de services qu’au Marathon Des Sables, disons qu’on vous bichonne plus. Mais ça, bien sûr, tant qu’on est pas venu sur la course on ne peut pas le savoir. Bon, et puis après si vous avez fait le Marathon Des Sables vous pouvez vous en vantez auprès de vos copains qui vont vous dire que vous avez fait la course la plus dure du monde, ce qui est faux, alors que si vous dites que vous allez au Tchad faire le TREG, les gens vont vous regarder de travers en vous demandant si vous n’êtes pas un peu timbré d’aller risquer votre peau là bas.

Running Café : OK, mais là je vous arrête tout de suite parce que, quoi qu’on pense du Marathon Des sables, je ne peux pas vous laisser dire que l’organisation ne prend pas soin des coureurs ou que vous les bichonneriez plus. Pardon, mais j’ai du mal à le croire. Vous limitez votre organisation à 100 coureurs donc on imagine en effet bien l’esprit tout à fait convivial qui doit régner sur votre épreuve et le fait que, très vite, les coureurs s’éparpillent dans le désert et qu’ils peuvent donc en profiter davantage – Alors qu’au Marathon Des Sables, on vous encourage à rester dans les traces les uns des autres et vous n’êtes jamais seul mais avez plutôt l’impression, parfois très désagréable d’ailleurs, d’être enfermé dans une caravane itinérante avec toute la journée un coureur devant vous et un coureur derrière vous. Je l’ai vécu, et je n’ai pas aimé. Ça fait partie des rares critiques qui me semblent justifiées sur le MDS. A contrario, ce que j’ai vécu sur le Libyan Challenge, et ce que j’imagine vivent les coureurs sur votre course que je n’ai pas faite, c’est plus de liberté, l’impression d’avoir ces espaces incroyables pour soi, d’être seul au monde. Bref, l’impression que le désert nous appartient et qu’on est seul maître de son destin. C’est une sensation vertigineuse. Je ne le conteste pas. Mais, et vous ne le savez pas puisque vous n’avez pas fait la course, le MDS est quand même une des courses dans le monde, sinon LA course dans le monde, où les organisateurs se donnent les moyens de fou pour assister les coureurs, notamment en cas de problèmes, petits ou grands. Pour environs 1200 coureurs – et 80% de finishers en moyenne – il y a des podologues et des médecins qui chaque soir après la course traitent les pieds et autres blessures de tout le monde, c’est à dire 30 fois plus de coureurs que chez vous. Et je ne parle des équipes médicales d’urgence qui disposent aujourd’hui de trois hélicoptères et sont capables de faire face à des problèmes graves, arrêts cardiaques, morsures de serpents mortels et ou de scorpions énervés. Donc, votre course est certainement très belle, ça bien sûr je ne vous l’enlève pas, mais bon, à vous entendre on a quand même un peu l’impression que vous êtes jaloux du succès du Marathon Des Sables. Je me trompe ?

Jean-Philippe Allaire : Premièrement, j’avoue humblement pouvoir bien sûr me tromper sur mon analyse du MDS puisque je ne l’ai pas fait moi-même. Il se trouve néanmoins que je suis ce qui se passe sur les réseaux sociaux dans l’univers du running et de l’ultra running, que j’y côtoie un certain nombre de coureurs expérimentés et que je suis donc bien immergé dans cet univers. Ce qui explique que j’ai peut-être été orienté dans mes pensées par certains de ces dits coureurs. Quoi qu’il en soit, dans toutes les organisations vous savez, aussi pro et léchées soient-elles, il y a toujours une ou deux personnes qui ne sont jamais contentes et rien n’est jamais parfait non plus. Mon idée n’est bien sûr pas d’essayer de taper sur une organisation en particulier mais d’essayer d’avoir des éléments relativement objectifs pour me permettre de faire une analyse, même si, encore une fois je vous donne mille fois raison sur le fait que je n’ai pas moi-même vécu le Marathon Des Sables. Je sais par contre que vous y portez sur votre dos toutes vos affaires pour 6 jours et que, si vous n’emportez pas de matelas de mousse, c’est tant pis pour vous, les conditions n’en seront que plus rustiques. Mais c’est comme ça, c’est la course qui veut ça, très bien. Je sais aussi que lorsqu’on débarque au campement, les organisateurs ne prennent pas la peine de répartir les gens dans les tentes en fonction des groupes de copains qui sont pourtant souvent pré-établis. Par conséquent, quand les gens sortent du bus, on m’a dit que c’est un peu la bataille pour que les coureurs qui se sont inscrits ensemble soient dans la même tente. Une autre histoire qui m’est revenue c’est aussi celle des coureurs qui abandonnent la course et se retrouvent un peu lâchés, comme abandonnés et livrés à eux-mêmes à Ouarzazate. Bon, tout ça c’est sans doute des petits détails, on peut en discuter, et j’ai de plus sans doute été influencé par certains retours de coureurs mécontents. Je ne le nie pas. Et puis en tant que petite course, c’est vrai aussi qu’on a l’impression de se battre contre Goliath, la grosse course qui est là depuis des années et qui marche du tonnerre. Le MDS est une course établie, c’est LA référence des courses dans le désert, pour tout le monde. Par conséquent, je cherche, c’est vrai, à mettre en avant les petits détails qui peuvent faire la différence. J’ai ainsi la conviction de faire un événement qui est beaucoup plus pros que beaucoup d’autres petits événements qui lui ressemblent et je peux vous dire que j’ai beaucoup de mal à recruter des coureurs parce que le MDS phagocyte ce marché. C’est un fait.

Running Café : OK, sur ce dernier point, je suis bien d’accord avec vous. Mais c’est inévitable. Le MDS, comme toute autre course, a des défauts, mais j’ai simplement eu l’impression que vous ne les connaissiez pas. Nous avons bien fait de préciser. Quelles sont maintenant vos relations avec l’organisateur du LIWA challenge, et feu Libyan Challenge, Jean-Marc Tommasini ? Certains vous accusent d’avoir copié le concept.

Jean-Philippe Allaire : Je vais vous raconter la vraie histoire, plutôt que d’entretenir des rumeurs. Quand je me suis baladé dans cette région deux années de suite en tant que touriste, j’en suis tombé amoureux. Et donc j’ai eu l’idée tout de suite d’y faire un trail. J’avais toujours eu envie de faire le Libyan Challenge mais ma femme me l’avait toujours interdit. Et comme j’avais des accointances particulières avec ces gens qui appointaient l’avion pour aller dans cette région reculée, encore plus que l’était Ghat en Libye, je me suis tout de suite vu organiser au Tchad une course comme celle que j’avais eu très envie de faire. Avant de me lancer, j’ai appelé Jean-Marc Tommasini qui m’a juste mis en garde contre les Tchadiens qui n’étaient, selon lui, pas fiables. Rien de plus. La conversation s’est arrêtée là. J’ai donc décidé de faire ma course, le TREG. Une fois la course lancée, j’ai eu effectivement vent de cette rumeur qui disait que j’avais copié le concept et qu’il y avait des mécontents. Moi je n’ai jamais pensé que le concept d’une course à pied en non-stop et au GPS dans le désert était un concept déposé. Mais bon. Je pense que Jean-Marc en a toutefois gardé une aigreur, mais je n’ai plus de contacts avec lui aujourd’hui. Je laisse dire les mauvaises langues. Je fais mon truc et c’est déjà suffisamment dur comme ça pour ne pas m’embêter avec ce genre d’histoire.

Running Café : Très bien, c’est clair. Parlons d’autres choses. Quelles sont les garanties sécuritaires que vous mettez en place pour prévenir d’éventuelles attaques terroristes ? Votre base d’arrivée est la ville de Faya-Largeau, où est actuellement présente une base avancée temporaire de l’armée française. Dites, ça ne serait pas un peu risqué votre affaire franchement ?

Jean-Philippe Allaire : Autant le Marathon Des Sables je n’y ai jamais été, autant le Tchad et cette zone en particulier, ça fait 5 ans que j’y vais régulièrement et que je travaille avec les autorités. Mon appréciation de la réalité du terrain et de la sécurité est donc totalement rationnelle. Contrairement à tout ce qu’on lit sur Internet, et contrairement à ce qu’on lit aussi sur le site du ministère des affaires étrangères, que je respecte par ailleurs, je sais très précisément où on peut aller au Tchad et où il ne faut effectivement pas aller. Le TREG est organisé avec l’appui des plus hautes autorités locales. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu’on est sous l’égide du ministère du tourisme. J’ai moi-même rencontré à plusieurs reprises le ministre du tourisme du Tchad. On est aussi lié avec les gouverneurs de région qui sont l’équivalent des préfets ainsi que les commandants de zone, c’est à dire les chefs de la zone militaire qui sécurisent la région, pas spécialement pour nous d’ailleurs. Je ne vais pas vous apprendre qu’il y a des pays qui, selon leur histoire, ont été plus ou moins en situation difficile. Quand on parle de Medellín en Colombie par exemple, on pense automatiquement au cartel de Medellín et à toute l’horreur de l’époque de Pablo Escobar c’est à dire les années 80-90. Bon, il se trouve qu’aujourd’hui la ville de Medellín est beaucoup plus sûre que beaucoup d’autres villes de pays d’Amérique du Sud, Vénézuela en tête. La situation géopolitique des pays bougent dans le temps. Il y a 10 ans, il n’y avait par exemple pas toutes ces tensions dues aux attentats terroristes sur le sol français. Alors, après, bien sûr que le Tchad a une mauvaise image. Je ne nie pas que le pays, ancienne colonie française, a été en situation instable pendant de nombreuses années. Non seulement Kadhafi a voulu annexer le Nord avec qui ce pays partage une frontière, ce qui a donné lieu à l’intervention de l’armée française, mais il y aussi eu des conflits ethniques dont on a beaucoup parlé. Il y a la même chose au Maroc mais personne n’en a peur, parce que le Maroc a développé une puissance touristique. Au Tchad, il n’y a eu aucun enlèvement et aucun français décédé de mort violente depuis au moins 50 ans. Après, peut-être qu’il y a eu des français morts de crise cardiaque lors d’un trek dans le désert, ça j’en sais rien. Plus sérieusement, au Tchad, en ce moment, on est comme avec la température, dans le ressenti par rapport à la réalité terrain. Ça c’est une première chose. La deuxième chose, et c’est pareil dans tous les pays du monde, la France y compris, il y a des endroits où il ne faut pas aller. D’où l’intérêt de s’appuyer sur les locaux. Et ce n’est certainement pas aux médias en général ni à internet, ni même parfois aux ministères des affaires étrangères, à qui il faut faire confiance pour savoir si on peut aller dans telle ou telle région du monde, Tchad y compris. Alors oui, il reste peut-être encore un peu de sympathisants de Boko Haram au bord du lac Tchad près de N’Djamena et de la frontière camerounaise, mais j’emmène les coureurs à l’autre bout du pays, dans le Nord-Est, là où il n’y a aucun djihadiste ni aucune cellule dormante, ni absolument personne qui vous veut du mal. Vous avez une course qui fait un peu de bruit en ce moment et qui va se dérouler au Mexique. Pardonnez-moi, mais le Mexique ce n’est pas la destination la plus safe du monde par excellence hein ! Et pourtant cette course ne fait peur à personne. Alors que des touristes s’y font régulièrement zigouiller et que les gangs y foutent un souk pas possible. Donc rien ne garantit que le Mexique soit plus tranquille que le Tchad.

Running Café : Et la Libye ? On en parlait tout à l’heure. Vous n’avez pas peur que des éléments perturbateurs, des djihadistes mais aussi plus simplement des trafiquants, des bandits qui n’ont peur de rien, viennent de là ? La course se déroule à 300 km de sa frontière sud et, pour que les lecteurs situent, à un peu plus de 200 km de la frontière avec le Soudan.

Jean-Philippe Allaire : On est à presque 1900 km de Tripoli et 400 km de la frontière sud libyenne. La ville la plus importante et la plus proche de là où on va au Tchad c’est Fada. Je précise qu’il y a aussi le massif montagneux du Tibesti au Nord-Ouest qui est pratiquement infranchissable quand on vient de la Libye. Il n’y a donc pas plus tranquille que la région où on va. C’est d’ailleurs tenu par une ethnie qui s’appelle les Toubous et je peux vous dire qu’ils ne sont pas djihadistes pour deux sous, même s’ils sont musulmans, comme la plupart au Nord du pays et contrairement au Sud.

Running Café : Oui mais le massif montagneux que vous citez, et je précise qu’il est indiqué comme étant miné par le ministère français des affaires étrangères, s’étend sur la partie Nord-Ouest de la frontière avec la Libye, pas sur la partie Nord-Est où vous êtes et qui reste globalement plane et désertique, ce qui veut dire extrêmement poreuse. Je m’interroge, vous voyez, sur la dangerosité de la zone où vous allez vous rendre, vu les opérations militaires qui se déroulent en ce moment même dans le pays, plutôt du côté de N’Djamena, Sud-Ouest du pays, je vous l’accorde.

Jean-Philippe Allaire : Ecoutez, je ne peux pas vous garantir qu’il y a zéro risque mais c’est la même chose quand on va à un concert à Paris. Des événements récents nous l’ont montré. 300 km de la frontière libyenne ça veut dire une journée de 4X4 au minimum. Au Mali, là où se déroulent le gros des opérations et les principales échauffourées, c’est assez aisé de circuler. Vous pouvez rouler à 140 km/h et faire des incursions en vue de commettre des actes terroristes sur le long des frontières pour revenir vous planquer fissa une fois votre forfait réalisé. Alors que dans la région où se déroule la course, vous ne pouvez pas rouler à plus de 30 km/h car la topologie ne le permet pas. Votre véhicule est donc plus facilement repérable et interceptable par les forces de sécurité. En ce qui concerne les contrebandiers qui peuvent agir le long des frontières, près desquelles je n’irais pas traîner mes guêtres vous avez raison, et bien ces gens-là, non seulement ils ont toujours existé, cela n’a donc rien à voir avec l’intervention récente de la France, mais ils ne s’intéressent pas non plus à nous et n’utilisent en aucune manière les techniques des terroristes.

Running Café : Oui, peut-être mais comme ce sont des gens motivé par l’argent, ils pourraient venir vous kidnapper un ou deux coureurs pour les revendre à des terroristes justement non ?

Jean-Philippe Allaire : Mais non pas du tout ! Et en plus il n’y a jamais eu de précédent au Tchad. Au Maroc oui, et pourtant les gens ne se posent pas la question de savoir s’il y vont ou pas ! Ecoutez, l’autre jour j’étais avec la mannequin et actrice française Laetitia Casta dans l’avion pour le Tchad et elle allait voir un camp de réfugiés au bord du lac Tchad, donc près de N’Djamena. Vous pensez bien que si ça n’avait pas été « secure » ses agents et producteurs ne l’auraient pas laissé partir. Ni le gouvernement français d’ailleurs. Quant aux bases militaires françaises qui sont à proximité, dont celle de Faya-Largeau, elles font partie d’un accord entre nos deux nations où la France apporte son savoir faire et son assistance dans le domaine militaire mais sont également positionnées justement ici parce que c’est tranquille et servent de base arrière au dispositif Barkhane. Quand vous atterrissez sur l’aéroport de la base de Faya-Largeau, nos militaires vous confirment qu’il n’y a pas de souci particulier dans la zone. Donc si vous demandez à nos forces qui sont sur le terrain, pas à celles qui sont dans les bureaux parisiens, elles vous confirment qu’il n’y a pas de souci dans la zone. Sinon vous imaginez bien que l’ambassadeur de France ne nous laisserait pas aller traîner là-bas.

Running Café : Bon, et rien n’est mis en place de particulier par les militaires tchadiens ?

Jean-Philippe Allaire : Non. Mais ils protègent extrêmement bien la zone. Le Tchad est un pays qui tient son territoire de manière très forte. Tous les gens qui y circulent, sont identifiés et personne ne peut aller au Tchad de manière autonome. Les voyages en solo ne sont pas possibles au Tchad. N’importe quel étranger, soudanais, Libyen ou autre est immédiatement identifié et ne peut donc pas circuler dans le système sans être repéré. Le territoire est sécurisé par l’armée tchadienne qui est une des meilleures armées africaines, avec l’Algérie. Les militaires sont très aguerris et le territoire est parfaitement bien tenu. Il n’y a donc pas besoin de nous mettre un solodat en plus derrière chaque dune. Il y a des militaires, ils sont dans la zone et font leur travail habituel. Ils redoublent d’attention, oui, mais ce n’est pas non plus la peine de faire un camp retranché pour nous protéger d’une agression potentielle. Le Tchad souffre de cette image négative et c’est pour ça que mes contacts sont un soutien indéfectible et ne souhaitent évidemment pas qu’il y ait le moindre problème. Par ailleurs, je suis aussi en contact avec l’ambassade de France sur place, dont j’ai rencontré deux fois le représentant.

Running Café : L’ambassade de France qui ne vous soutient pas.

Jean-Philippe Allaire : Officiellement non, en effet, car ils seraient là en contradiction avec ce qui est écrit sur le site du ministère des affaires étrangères mais, officieusement, ils ne nous interdisent pas d’y aller et m’ont même dit que ce que nous organisons était une très bonne chose. Il se peut d’ailleurs que le premier conseiller soit sur la ligne de départ avec le ministre tchadien pour donner le départ. Cela se décidera bien évidemment à la dernière minute. Mais allez faire un tour sur le site du ministère des affaires étrangères du Canada et lisez ce qu’ils disent sur la France. Je vous garantis que ça ne donne pas envie. Je conclus en disant que je ne m’amuserais pas à faire venir 60 personnes si je pensais que c’était dangereux. Cette région du monde vaut le coup, ce pays vaut le coup. Malheureusement personne n’a envie de dépenser de l’énergie pour faire de la pub pour le Tchad comme on le fait pour le Maroc et la Tunisie aujourd’hui.

Running Café : OK donc vous ne prenez pas de risques démesurés parce que vous êtes engagé financièrement et que vous ne pouvez plus faire marche arrière ou quelque chose dans le genre ?

Jean-Philippe Allaire : Bien sûr que non ! On en est à la troisième édition déjà. On prend toutes les dispositions nécessaires et les militaires français nous confirment qu’il n’y a aucun risque. Mais ça c’est de l’information terrain et officieuse.

Running Café : OK, changeons de sujet. Je vous remercie pour ces éclaircissements. Concernant les contributions de l’organisation aux populations locales, qu’est-ce que vous mettez en place ?

Jean-Philippe Allaire : Alors justement sur ce point, qui rejoint d’une certaine manière celui de la sécurité, nous n’avons jamais voulu débarquer avec des tentes made in France et d’être un camp retranché d’européens colonisateurs au milieu du désert. On a au contraire tout de suite voulu faire en sorte que notre village soit authentique. Pour cela, on fait construire par une association locale des tentes artisanales où les coureurs dorment sur des petits matelas. Toute cette logistique, qu’il s’agisse des pisteurs, guides, signaleurs, chauffeurs, chameliers ou les cuisiniers sont des locaux que nous rémunérons. Et je crois que c’est cette authenticité qui plait à nos concurrents chaque année. Le camp est reconstruit à chaque fois car ils conservent ces tentes et les louent pour d’autres événements à l’échelle de la région.

Running Café : Quand je lis sur votre site web que vous avez une « équipe médicale expérimentée et une technologie adaptée », qu’est-ce que ça signifie concrètement ?

Jean-Philippe Allaire : On dispose sur la course de deux médecins et quatre infirmiers urgentistes anesthésistes français qui viennent de l’hôpital de Grenoble, pour la majeure partie d’entre eux. Dans le cadre de la sécurité médicale des coureurs, nous avons également des petites balises de géolocalisation que chaque concurrent porte sur lui en permanence. Ce principe est mis en place sur la course depuis 2014. Nous avons donc un PC course dans ce désert qui nous permet de savoir à chaque instant où se trouve chacun de nos coureurs. Cette technologie est donc au service de la sécurité de chacun.

Running Café : Vous parlez aussi d’un 4×4 « volant » qui serait dédié aux interventions. Pardonnez-moi mais comment pouvez-vous assurer la sécurité de 100 personnes, je rappelle que c’est votre nombre maximum de coureurs, avec un seul 4X4 sur une distance 180 km ? Je ne comprends pas…

Jean-Philippe Allaire : On en a deux en réalité, un au Nord et un au Sud. Le texte est imprécis, je vous l’accorde. Mais on a aussi six autres 4X4 qui sont les différents PC course. Il faut bien comprendre que le parcours rentre dans un rectangle de 90 km de long par 30 km de large. Donc les six 4X4 des PC course sont répartis équitablement sur cette zone mais ils sont fixes et n’interviennent qu’en cas de besoin. Les deux autres 4X4 volants suivent la course au plus près des coureurs. On a d’ailleurs déjà eu des déclenchements de balise sur les deux premières éditions et, même s’il n’y avait pas d’urgence absolue, nous avons récupéré les gens sans aucun problème.

Running Café : D’accord mais alors dans un cas plus grave, est-ce qu’il y a un hôpital qui se tient près avec des médecins et du matériel prêt à intervenir ?

Jean-Philippe Allaire : La ville la plus proche c’est Faya-Largeau et ça ressemble plus à un village qu’à une ville. Il y a bien un hôpital, oui, mais je le conseillerais pour de la « bobologie » uniquement. Nos équipes sur la course sont capables de faire des perfusions en cas de déshydratation et sont également équipées d’un défibrillateur pour parer à une crise cardiaque. Nous avons aussi une assurance rapatriement pour chaque participant.

Running Café : Oui mais en cas d’urgence sur place vous faites quoi ?

Jean-Philippe Allaire : En cas de problème grave, on peut mobiliser l’hélicoptère de l’armée tchadienne. On a le téléphone du gouverneur qui peut déclencher cette ressource. Cela dit, il n’y a qu’un hélicoptère sur tout ce territoire et nous n’avons jamais testé son efficacité ou sa rapidité. Il n’y a pas d’autre solution car il n’y a pas de compagnie d’hélicoptère civile. Le pays est quand même relativement pauvre.

Running Café : OK donc en cas de coup (vraiment) dur…on y reste. Vous me direz, c’est le cas de beaucoup de courses dans le monde. Je vous titille. Histoire de limiter les risques justement, concernant les inscriptions, vous acceptez n’importe qui ou bien vous imposez des critères de sélection ?

Jean-Philippe Allaire : On demande le pédigree course des coureurs. On sait donc qui s’inscrit et puis les barrières horaires sont très larges et un randonneur aguerris peut tout à fait faire la course. C’est d’autant une épreuve sportive qu’un voyage de découverte d’un endroit unique qui va vous marquer à vie. La barrière horaire finale pour la course de 180 km est de 72h, ce qui fait 2,6 km/h de moyenne. C’est donc très accessible, avec un peu d’endurance. La nuit, les coureurs sont libres de continuer ou de s’arrêter où ils veulent mais sur nos PC course, on fournit l’eau chaude, un matelas et des couvertures militaires, et même des contrôleurs de course qui réveillent les coureurs à l’heure qu’ils souhaitent. C’est pourquoi généralement les gens n’emportent pas de duvet et profitent de nos installations pour reprendre des forces. Mais je n’impose rien, chacun gère sa course comme il veut.

Running Café : Bon bon très bien l’aventure c’est l’aventure comme on dit. Ça me va à partir du moment où c’est clair. Ça l’est désormais. Et je vous remercie. Changeons de sujet. Vous êtes qualificatif UTMB et vous faites parti de l’ITRA mais peut-on imaginer que vous réduisiez un tout petit peu la distance pour vous caler sur un 100 miles « officiel » et faire ainsi partie des courses de l’Ultra Trail World Tour ?

Jean-Philippe Allaire : J’ai déjà réfléchi à la question mais pour rentrer dans les critères de l’Ultra Trail World Tour il faut plus de 500 ou 600 coureurs et ce critère de masse n’est tout simplement pas possible à mettre en pratique sur ma course vu l’éloignement du site et la logistique incroyable qu’il faudrait être en mesure de mettre en place. Donc non, non, je ne cherche pas à candidater quoi que ce soit. En ce qui concerne la distance, elle correspond à mon souhait de faire profiter les coureurs de tous les sites dont je vous ai parlé plus haut. Si je réduis la distance, ils vont en manquer quelques-uns et ça serait vraiment dommage.

Running Café : Quel est le % de coureurs français et de coureurs étrangers que vous recevez ? Quelles sont les autres nationalités sur cette prochaine épreuve ?

Jean-Philippe Allaire : On a 39 coureurs cette année : 28 français, 2 allemands, 2 italiens, 5 tchadiens, 1 danois et 1 américain. Je précise que les tchadiens sont des militaires locaux qui sont mis en avant par leur armée et qui ne feront que le 45 km. On les équipe et on les invite. Ça fait partie des accords que j’ai avec le pays.

Running Café : Sur plan protection de l’environnement que mettez-vous en place exactement ?

Jean-Philippe Allaire : Vous imaginez bien qu’avec un site qui est désormais classé au patrimoine de l’UNESCO on se donne les moyens de tout nettoyer après la course. On sensibilise également les coureurs aux briefings. Mais vous savez, étant donné que nous n’avons pas à faire à une masse de coureurs, ceux qui viennent avec nous sont déjà bien sensibilisés et nous n’avons pas besoin d’insister pour éviter qu’ils jettent leurs déchets par terre.

Running Café : Pour le GPS : quel modèle de GPS confiez-vous aux coureurs ? Est-ce qu’on peut venir avec le sien et est-ce qu’on peut télécharger le parcours en amont ?

Jean-Philippe Allaire : non je ne préfère pas que les coureurs viennent avec leur propre GPS pour la simple et bonne raison que le GPS que je mets à dispo, le Garmin Foretrex 301 ou 401, est très simple d’utilisation et qu’il fonctionne avec pile. Comme je ne veux pas prendre de risque, comme un bug sur le chargement des points par exemple, et me retrouver avec des coureurs perdus, je préfère être sûr du GPS avec lequel mes coureurs s’embarquent. C’est ma responsabilité d’organisateur qui est engagée. J’envoie les modes d’emploi avant et puis sur place je monte un atelier d’une heure ou deux où nous expliquons comment se servir de cet outil.

Running Café : Bon, et sinon dernière question : vous êtes de la DGSE vous non ?

Jean-Philippe Allaire : Ah ah, non non pas du tout. Je suis civil à 100% et j’ai toujours été civil, même quand je m’occupais des 20 km de Paris qui sont organisés comme vous le savez par l’armée de l’air.

Conclusion

Cette course, très belle, a le mérite de soulever une question très intéressante : jusqu’où aller pour vivre le frisson de la course aventure ? C’est une question difficile. Non seulement les informations objectives sont difficiles à obtenir de la part des différents acteurs étant donné l’action militaire non-stop qui se déroule sur le terrain mais nous n’avons également pas tous le même sens de la sécurité, la même sensibilité ni même les mêmes angoisses, la même attirance pour le danger ou la même tolérance face aux risques. Le site du ministère de la défense, malgré la menace qu’il reconnaît présente au Sahel, parle d’une situation sécuritaire « globalement stable ». Celui du ministère des affaires étrangères, en revanche, est quant à lui beaucoup plus alarmant. Quelques exemples : « les voyages vers l’Ennedi sont déconseillés sauf raison impérative », « zone dépourvue de toute infrastructure sanitaire », « région aux territoires immenses très difficile à sécuriser », « région pouvant servir de couloir de passage de groupes armés », « tout déplacement s’effectue dont aux risques et périls du voyageur », « la force française Barkhane n’a pas vocation, ni les moyens, d’assurer la sécurité sanitaire des touristes français ».

En ce qui me concerne, à partir du moment où la France est engagée militairement dans un pays ou sur une zone regroupant plusieurs pays, à partir du moment où nos soldats y font la guerre, autrement dit qu’ils tuent et se font tuer, je trouve assez imprudent d’aller sur place pour y faire du tourisme. La situation ne me paraît de plus pas aussi simple que voudrait bien le faire croire l’organisateur qui est loin, soit dit en passant, d’avoir les moyens suffisants pour assurer la sécurité et l’évacuation des participants en cas de pépin sérieux. Je crains que, dans cette région du monde particulièrement instable, il faille plutôt faire preuve de prudence que d’audace. D’autant que nos militaires présents sur zone ont en effet d’autres choses à faire que d’aller secourir quelques coureurs à pied & touristes imprudents en mal de sensations fortes. Cela dit, on a chacun ses rêves, chacun ses objectifs et chacun ses limites. Alors, oui, pourquoi pas faire le TREG. Nous y reviendrons. Stay tuned. And don’t die. le-treg.com/fr/

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