
Vibram® Hong Kong 100 2020. Y aller ou pas ?
Par la rédaction, avec Gaël Couturier.
Photos © Lao Yao, collectif Unsplash : Florian Wehde, Sean Foley, Airam Dato On, Rikki Chan, Unknown Wong, Joseph Chan, Steven Wei, Joel Fulgencio, Meckl Antal, Joshua-J-Cotten, Steven Wei, Anatoliy Gromov, Joshua Rawson Harris, Sean Foley, Steven Roe, Antonio Barroro, Puk Patrick, Denys Nevozhai, Senor Sosa, Mark Goh, Annie Spratt, Irina Iriser, Banter Snaps, Augustine Wong, Joshua J Cotten, Vernon Raineil Cenzon, Kevin, Jamie Street.
Nous savons tous ce qui se passe à Hong Kong. Les médias occidentaux se font ces derniers jours le relais d’informations souvent très alarmistes. La Hong Kong 100 est pourtant l’une des plus belles courses au monde. Parce que Hong Kong est une des plus belles villes du monde. Et c’est pourquoi nous avons voulu savoir si, en janvier prochain (la course doit avoir lieu du 17 au 19 janvier) il fallait tenter le coup d’aller sur place pour vivre une aventure hors du commun. Nous, nous avons bien envie d’y retourner….Pour courir 100 km. Pour revoir Hong Kong aussi. Rappelons qu’une partie de la population Hongkongaise est actuellement dans la rue et revendique un puissant refus du contrôle renforcé du gouvernement central chinois. Pourtant, Hong Kong est bel et bien une partie de la République populaire de Chine, même si la région administrative spéciale de Hong Kong constitue un territoire séparé du reste de la Chine. Et oui c’est compliqué. Alors ? Alors nous avons demandé aux organisateurs et d’autres témoins de nous livrer leurs sentiments.
Voilà ce qui est dit en ce moment même le site web du ministère des affaires étrangères : « Les manifestations qui ont lieu depuis juin à Hong Kong à la suite du projet de loi sur l’extradition peuvent donner lieu à des affrontements violents en tout point du territoire. Des blocages d’axes de circulation et des perturbations à l’aéroport ainsi que dans les transports en commun peuvent intervenir à tout moment sans préavis ». Bon, est-ce que cela veut dire que la situation est bloquée, que rien n’est envisageable et qu’il faut définitivement tourner la page de la Vibram® Hong Kong 100 ? Non. Loin de là. Voici un premier entretien avec l’organisattrice Janet Ng. Elle organise la course avec son cher mari, l’anglais Steve Brammar. On démarre tout de suite avec la situation politique et on enchaîne avec des questions plus spécifiques à la course. Suivra un ajout d’interview avec un autre acteur de l’endurance local. Affaire à suivre donc sauvages. Stay tuned.
Le Blog Endurance Shop : Bonjour Janet et merci de nous accorder un peu de votre temps. Nos questions sont d’abord bien entendu liées la situation politique, à ce qui se passe dans la rue en ce moment et ce que nous relatent nos médias occidentaux. Vous qui êtes de Hong Kong et qui vivez là-bas, vous avez peut-être un regard différent. Notre première question est donc la suivante : avez-vous des craintes concernant la viabilité de votre événement qui doit avoir lieu du 17 au 19 janvier 2020 ? Pensez-vous qu’il y a des chances pour qu’il soit annulé ?
Janet Ng : Bon, bien entendu, ce qui se passe en ce moment à Hong Kong fait peur à tout le monde. Nous sommes sur place et nous faisons très attention à son évolution. Nous ferons tout ce qui est possible pour réduire au minimum l’impact que ces troubles pourraient avoir sur notre événement et les participants. Mais la bonne nouvelle c’est que la saison du trail running à Hong Kong vient d’ouvrir et que d’autres épreuves se sont jusqu’à présent déroulées sans encombres. C’est très récent. Donc nous avons bon espoir.
Le Blog Endurance Shop : L’aéroport a réouvert mais, visiblement, les blocages peuvent survenir à n’importe quel moment. Ne craignez-vous pas quand même que les risques de voir les transports publics se bloquer fasse peur aux nombreux coureurs qui viennent de l’étranger ?
Janet Ng : L’aéroport n’a été bloqué que pendant deux jours à cause des manifestations mais aujourd’hui des mesures ont été prises pour qu’il reste définitivement ouvert. Et ces mesures fonctionnent très bien. Je vous fais la même réponse que plus haut : nous suivons tout cela de très près et nous informerons les participants au fur et à mesure sur notre page web et nos réseaux sociaux.
Le Blog Endurance Shop : Pourquoi y-a-t-il autant d’événements de courses à pied à Hong Kong ? Nous pensions un peu naïvement que la Vibram® Hong Kong 100 était une des rares grosses courses mais c’est loin d’être le cas. Vous avez pas mal de concurrence en fait…
Janet Ng: Oui il y a beaucoup d’autres courses à Hong Kong mais nous ne les considérons pas vraiment comme des concurrents. Ce sont avant tout des amis. Toute la communauté de course à pied hongkongaise est très soudée, surtout en ce moment. Nous sommes tous là pour nous soutenir les uns les autres, et non pas pour essayer de nous mettre en avant les uns par rapport aux autres ou, pire, de nuire à l’un ou à l’autre des acteurs. La ville de Hong Kong n’est pas si grande et nous sommes ainsi tous un peu les uns sur les autres. C’est la raison pour laquelle il y a une si bonne ambiance entre nous tous : nous sommes habitués à vivre ensemble ! Les gens qui vivent à Hong Kong vivent en ville, et c’est aussi pourquoi ils ont besoin d’accéder le plus souvent possible à cette merveilleuse nature environnante qui se trouve à la fois tout autour et si proche. Ces courses sont un remède parfait contre le stress et le brouhaha naturel de cette ville peu commune. Le territoire n’est pas très grand quand on y pense et c’est donc aussi la raison pour laquelle il y a beaucoup de courses au km2.
Le Blog Endurance Shop : Vous, Janet, vous êtes une native de Hong Kong mais ce n’est pas le cas de votre mari, Steve. Il est anglais. Qu’est-ce qui fait que Honk Kong incarne encore un site intéressant pour les voyageurs ? Moi j’ai aimé le rythme très vif de cette vie citadine, les buildings très hauts et les bâtiments plus coloniaux, plus charmants. Et puis il y a ce tramway à ciel ouvert qui donne le ton : c’est un étrange mix entre une extrême modernité et une ambiance, oui, coloniale, désuète. Et je ne parle pas des vues incroyablement riches que vous obtenez facilement à peine vous prenez de la hauteur…
Janet Ng: Je n’ai franchement pas grand chose à ajouter à cela (rires) ! En tant que locale, j’aime le dynamisme de Hong Kong, c’est vrai. Et puis il a toujours quelque chose à faire d’intéressant dans cette ville. J’ajoute que la ville est aussi très pratique à vivre. Et ça c’est essentiel pour moi. Ça me permet de faire beaucoup de choses dans une journée !
Le Blog Endurance Shop : D’après notre expérience, ce qui constitue le meilleur de votre événement, c’est bien entendu ce parcours de rêve, difficile, mais aussi la manière avec laquelle sont organisés les ravitaillements ; et puis bien sûr la possibilité avant ou après la course de visiter Hong Kong. Qu’est-ce que vous disent les participants : quel est leur meilleur souvenir de leur voyage à Hong Kong ?
Janet Ng : Je crois que les participants aiment les paysages de notre course pas seulement parce qu’ils sont variés mais aussi parce qu’ils sont spectaculaires. Les gens sont toujours surpris de constater qu’on trouve une telle nature si proche d’une grande ville comme Hong Kong. Et puis bien sûr, ils mettent aussi en avant la chaleur et l’enthousiasme de nos bénévoles. C’est vrai qu’elle est exceptionnelle et que l’ambiance est très amicale, très accueillante. Nous avons autour d’un millier de bénévoles. C’est un chiffre important. De plus, je crois que les uns et les autres qui donnent de leur temps pour cette Vibram® Hong Kong 100 le font avec le cœur, parce qu’ils aiment leur ville, parce qu’ils aiment cette course. Bien avant que l’événement ne prenne sa forme finale, ils sont nombreux à nous aider à faire en sorte que la sauce prenne. La qualité de la Vibram® Hong Kong 100 c’est avant tout sa communauté. Elle reflète l’état d’esprit de Hong Kong, son dynamisme, sa chaleur, son énergie. Le parcours, vous le savez, est aussi très spécial. Où que vous soyez, où que vous regardiez, les vues sont spectaculaires. Et puis bien sûr, je crois que le succès de notre événement c’est aussi la personnalité très exceptionnelle de la ville de Hong Kong où il est impossible de s’ennuyer !
Le Blog Endurance Shop : Ce qui fait le succès de votre Vibram® Hong Kong 100 est pour nous très clair : c’est la qualité de votre organisation, son côté « zéro défaut », mais également l’enthousiasme de vos bénévoles, vous venez de le rappeler. La météo joue aussi un rôle important car il ne fait ni trop chaud ni trop humide la journée, et juste frais la nuit. De part ma propre expérience, le seul défaut que je trouverais éventuellement à votre course – hormis le fait qu’aujourd’hui la situation à Hong Kong est tendue bien sûr – c’est ce ciment, ce bitume, de partout. En Europe, ou aux USA d’ailleurs, quand on parle de trail running, on parle en réalité de course nature, sur des chemins, des sentiers, de la terre, de la roche, mais certainement pas de matériaux artificiels et en dur. Mais c’est peut-être une vue de l’esprit très occidentale. Qu’en pensez-vous ? J’ai l’impression que vous ne pourriez pas faire les choses différemment si ?
Janet Ng : Vous avez raison, il y a plus de béton sur nos chemins qu’on aimerait qu’il y en ait. Mais il faut convenir que la course se déroule très près de la ville donc ce n’est pas pour nous très étonnant. L’état d’esprit des gens a changé ces dernières années à Hong Kong et je crois qu’ils sont généralement d’accord pour dire que nos sentiers devraient être préservés, et non pas bétonnés. Mais vous savez, nous avons encore des tas de sentiers pour courir et l’avantage d’avoir aussi des sentiers bétonnés c’est que les coureurs peuvent ainsi passer de l’un à l’autre : quand c’est un passage qui aurait été très technique s’il avait été en terre, certains sont bien contents de pouvoir profiter du confort du béton. Tout est histoire de perspective….
Le Blog Endurance Shop : Oui, c’est une bonne façon de voir les choses. Sur les 103 km de la course, je poursuis sur ce point, quel est le pourcentage de parcours bitumé et de parcours en terre ? Je dirai 80% en dur…non ? Bon, mais j’insiste encore : est-ce quelqu’un a jamais compté le nombre de marches qu’il y a dans le parcours ? Vous avez bien une idée franchement…non ?
Janet Ng: Non. C’est bien moins que 80%. Ça j’en suis sûr. Mais nous n’avons pas pris de mesures exactes…
Le Blog Endurance Shop : Je suis venue en 2019 et je n’ai rien trouvé à redire, mis à part ma surprise de ces trails très bétonnés, comme je le disais. Avez-vous des améliorations que vous êtes sur le point d’apporter à l’édition 2020 ?
Janet Ng : Et bien en fait, oui, on a une nouvelle course qu’on appelle « The Half”. Il s’agit en réalité d’un 56 km qui reprend toute la première partie de la course avec notamment toutes ces traversées de très belles plages vous vous souvenez ? The Half aura lieu un jour avant la HK100, le 17 janvier très exactement. Quelque chose qui revient aussi régulièrement dans les éventuelles critiques qui nous sont parfois adressées c’est l’absence de douches chaudes après la ligne d’arrivée. Malheureusement c’est quelque chose contre quoi on ne peut rien faire. Le site ne le permet tout simplement pas. Nous aimerions aussi réaliser d’autres choses autour de la course, comme des workshops, des forums, un salon, car nous n’en avons pas.
Le Blog Endurance Shop : Question technique : vous qui connaissez bien ce parcours, est-ce que vous recommandez l’utilisation des bâtons de randonnée pour cette épreuve ? L’an passé, la population des coureurs était divisée. Beaucoup avaient des bâtons mais c’était loin d’être le cas de tous. Les meilleurs coureurs n’en avaient souvent pas par exemple. Ils sont trop rapides j’imagine…
Janet Ng : En fait c’est une question bien personnelle. La plupart des coureurs ne les utilisent pas, en effet. Mais je note que Stone Tsang, l’un de nos meilleurs coureurs de Hong Kong, les a utilisés l’an passé. Il doit savoir ce qu’il fait (rires) !
Le Blog Endurance Shop : Si vous pouviez donner des conseils aux gens qui ont envie de se préparer à votre événement, qu’est-ce que vous leur diriez ?
Janet Ng: C’est une question difficile parce que ça dépend bien sûr du niveau de pratique, de la préparation aussi, je dirais même de la motivation, sans oublier le type de terrain sur lequel il ou elle est habitué(e). Si vous n’habitez pas dans la région, venir à Hong Kong peut être un peu perturbant : il y a le décalage horaire d’abord et puis la météo est certainement différente de ce que vous pouvez trouver en Europe ou aux États-Unis. Je conseille toujours de venir autant que possible en amont, c’est logique, mais aussi de rester quelques jours après pour apprécier la ville. C’est un voyage, un vrai.
Le Blog Endurance Shop : Bon, parlons du nombre d’abandons maintenant. Toutes ces marches peuvent être un problème pour les genoux. J’en ai fait l’expérience sur le Grand Raid de la Réunion, une course française qui va se dérouler bientôt, les marches à monter ou même descendre pendant des heures sollicitent énormément l’articulation du genou. Quel est votre % d’abandons, de DNF, et est-ce que c’est lié à la succession de toutes ces marches ?
Janet Ng : Nous avons eu en moyenne sur les dernières années un % d’abandons autour des 20%, ce qui n’est pas énorme. Mais l’an passé c’était 30%. La raison principale c’était la météo : il a fait plus chaud l’an passé et nous avions également rallongé le parcours d’à peu près 5 km. Ah et nous avions aussi ajouté une côte : celle de Ngau Yee Shek Shan. Elle arrivait dans la toute première partie de la course. Elle était belle mais elle était dure, et elle en a séché plus d’un !
Le Blog Endurance Shop : Vous avez lancé la course en 2011. Quelle est la chose la plus incroyable que vous avez apprise durant ces 10 années ?
Janet Ng : Je vais vous dire : la chose la plus incroyable c’est toute ces amitiés incroyables que nous avons réussies à construire peu à peu au fil des ans avec des gens qui pensent comme nous, qui aiment la même chose que nous et qui, bien sûr, aiment Hong Kong autant que nous.
Le Blog Endurance Shop : Le site web americain de référence irunfar.com a écrit en 2017 quelque chose d’intéressant sur votre événement : « Le mélange ethnique et culturel qu’il y a dans cette course, tout comme le niveau sportif des coureurs, créé un melting pot profond et une vraie singularité ». Est-ce que c’est une définition que vous acceptez et qui vous correspond ? Et n’est-ce pas plus généralement une bonne représentation de Hong Kong ?
Janet Ng : Si. Totalement. Des coureurs du monde entier, unis par ce sens commun – celui de finir une course difficile, de profiter de paysages étincelants de jour comme de nuit – signifie bien que l’endroit d’où vous êtes importe peu, que ce qui compte c’est que vous faites, comment vous le faites et où vous allez ensemble.
Le Blog Endurance Shop : Un mot sur vous et de votre mari Steve Brammar pour terminer. Quelles sont vos principales qualités d’organisateurs à tous les deux ?
Janet Ng : Nous avons tous les deux pratiqué le trail running pendant longtemps et nous savons bien ce qui nous plaît en tant que coureurs. Comme organisateurs, et c’est logique, on essaie de proposer une course que les coureurs comme nous aimeraient faire. Nous ne sommes certainement pas les seuls à penser et dire cela. Notre chance, c’est aujourd’hui d’avoir le soutien de toute la communauté de trail running locale de Hong Kong.
Nos précédents articles sur la Hong Kong 100 étaient là (du plus ancien au plus récent) :
https://leblog.enduranceshop.com/hong-kong-star/
https://leblog.enduranceshop.com/hong-kong-star-cest-demain/
https://leblog.enduranceshop.com/faut-il-faire-la-vibram-hong-kong-100-part-i/
https://leblog.enduranceshop.com/faut-il-faire-la-vibram-hong-kong-100-ou-pas-part-ii/
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