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En 2019, adopterions-nous le WildinisM ? Oui…et non.

Par la rédaction. Photos © Nathalie Meignan, Eric Monnier, Nicolas Grunbaum, Marc Daviet – Mountain Wilderness, Robin des Montagnes, ITRA.

Le projet WildinisM a pur ambition, nous dit-on, de sensibiliser les différents acteurs des sports en montagne à une pratique plus responsable, autonome et durable. Quelle bonne idée n’est-ce pas ? Oui, sur le papier en tout cas. Car dans les faits, ce que proposent ses responsables n’est pas toujours hyper réaliste. Mais pas de panique, c’est le jeu, rien n’est figé et nous sommes là pour discuter, émettre des critiques constructives et vous faire réagir. C’est le jeu. Explications et réflexions.

Wildinism, version 2019
Wildinism, version 2019

Comme beaucoup de courses et d’entraînements de trail running se font en montagne, on peut dire que ça nous concerne. Évidemment. Et nous avons donc notre avis sur la question. Porté depuis son origine par l’association Robin des Montagnes, ce projet WildinisM bénéficie désormais du soutien solide de deux associations bien classes et connues des pratiquants de montagne. D’un côté, il y a Mountain Wilderness, pionnière dans la défense de l’environnement montagnard à travers le monde depuis plus de 30 ans (C’est l’équivalent de ce que Surfrider Foundation fait pour le surf et la protection de nos zones de jeu acquatiques). Et de l’autre, il y a l’International Trail Running Association (ITRA), que nous connaissons tous bien, qui se développe fort puisqu’elle est aujourd’hui présente dans plus de 150 pays. Sa mission principale est de veiller au « bon développement » du trail running dans le monde. Imaginé par une poignée de sportifs passionnés par la montagne, dont Catherine et Michel Poletti, le projet de l’ITRA est simple, efficace. N’oublions pas que Michel Poletti est actuellement le président de l’ITRA. Quant à ce WildinisM, lancé d’abord par Cyril Cointre, on est, allez, à 80-85% total d’accord ! Good job donc Mr Cyril Cointre. On a besoin de passionnés comme vous.

Wildinism, version 2019
Wildinism, version 2019
Wildinism, version 2019

Comment ça marche ?

Sous forme de propositions simples, WildinisM mettrait donc à disposition un programme d’amélioration continue de 7 « pas », ou 7 actions principales tournées vers la nature. Ce programme s’adresse aux pratiquants comme vous et nous, aux organisateurs, aux diverses associations et fédérations de l’outdoor. « Notre objectif n’est pas de stigmatiser, arbitrer ou encore juger mais bien d’encourager, de débattre et d’accompagner la communauté des sports nature à progresser et à réfléchir ensemble au sport outdoor de demain en tant qu’outil d’éducation environnemental » déclarent tout de go ses responsables.

Notre avis : Ça démarre bien. Ça motive. On ne peut qu’adhérer ! Et vous aussi les sauvages. 

1. Respect et promotion de la nature.

« Faire la promotion de l’environnement naturel dans lequel se déroule l’évènement, inviter des associations et acteurs locaux, respect de la faune, flore et des habitants en corrélation avec la saison et l’environnement ».

Notre avis : Of course ! Ça semble tellement évident non ? Il faut juste que ça percute un peu plus au niveau des mentalités de coureurs parce qu’on en voit encore trop balancer leurs papiers par terre impunément et comme si de rien n’était. Pas normal. « Balance ton porc » comme diraient d’autres.

2. Réduction carbone.

« Sur les événements, mettre en place des actions pour réduire les émissions de Co2 relatives                 à l’événement « nature ». Exemples : prise en charge des transports collectifs, récompenses pour inciter les participants à leur utilisation en amont, parking réservé co-voiturage ou électrique, parc à vélos, compensation carbone (consiste à contrebalancer ses propres émissions de CO2 par le financement de projets de réduction d’autres émissions ou de séquestration de carbone) ».

Notre avis : À mettre évidemment en place par les organisateurs mais, sur le papier, oui, ce ne sont là encore que de bonnes idées.

3. Supports réutilisables

« Abandonner les ustensiles plastiques jetables et prioriser ceux réutilisables, « compostables » ou recyclables. Supports de communication, jerricanes, assiettes, bols, couverts, poubelles de tri, rampes à eau, toilettes sèches… tous ces produits existent en version recyclables/réutilisables et sont donc à privilégier et même pourquoi pas à « mutualiser » entre évènements ».

Notre avis : Là encore, ça semble une évidence. Il faudrait mettre ça en place fissa ! A Hong Kong, où était notre reporter pour sa course Hong Kong 100 mi-janvier, les ravitaillements ne donnaient ni verres ni assiettes ni couverts. Vous étiez prié d’apporter les vôtres. Pas d’exception. L’idée simple de ne pas être en mesure de se ravitailler si vous n’êtes pas responsable est assez motivante pour que  98% du peloton joue le jeu. Excellentes idées donc. Très progressistes. Bravo !

Wildinism, version 2019
Wildinism, version 2019

4. Objectif 0 déchets

« Réduire au maximum les déchets relatifs à l’évènement : mise en place d’équipes de nettoyage des parcours avant et après la course, challenge « Plogging » qui allie jogging et collecte de déchets, tri sélectif, sensibilisation des participants pour reconduire les bonnes pratiques dans leur quotidien, favoriser le troc et la revente de matériel d’occasion ainsi que le recyclage des vêtements, abandonner les emballages, tri sélectif au ravitaillement ».

Notre avis : Oui, mais avec deux bémols : d’abord concernant le challenge « Plogging » qui allierait jogging et collecte de déchets. Le « sport » existe, on le voit apparaître de plus en plus sur les réseaux sociaux où il se popularise…légèrement, lentement. L’idée de créer un challenge pour motiver les gens à y participer n’est pas une mauvaise idée mais on craint quand même que les participants d’un événement ne se reposent sur les épaules des organisateurs avec la mentalité suivante qui est quand même compréhensive : « on paie un dossard donc on ne va pas en plus ramasser les ordures de ceux qui ne respectent rien ».

Quant à l’idée « troc et la revente de matos d’occasion », ce n’est malheureusement pas réaliste en l’état ni même bon pour l’économie de l’industrie de l’outdoor dont nous faisons partie. Il est toutefois vrai que la revente de vêtements d’occasion, dans l’outdoor, commence à fonctionner. Au Japon, à Tokyo par exemple, les magasins de surplus ou vêtements vintage d’occasion pullulent et sont parfois situés sur les mêmes belles avenues où s’installent les plus grandes marques du monde, Chanel ou Louis Vuitton et où les loyers des magasins sont parmi les plus chers du monde. Patagonia, la marque californienne très portée sur la protection de notre environnement, a un système qui fonctionne mieux : la marque récupère les vêtements usagers dans ses magasins via des paniers prévus à cet effet par exemple afin de les réinvestir dans son système de production, ou les répare à moindre coûts. Endurance Shop est partenaire de système comme Run Collect dont le but est de récupérer les chaussures de running usagées et de les distribuer aux coureurs de pays qui en ont cruellement besoin (papier à suivre ici même dans le blog). Infos :  www.runcollect.fr

Wildinism, version 2019
Wildinism, version 2019
Wildinism, version 2019

5. Itinéraire / réduire le balisage

« Revenir aux fondamentaux des sports outdoor : savoir réfléchir à son itinéraire et s’orienter via suivi sur carte, au road book et/ou grâce aux nouvelles technologies GPS. Si tel n’est pas le cas (épreuves courtes, grand nombre de coureurs…) les balisages réutilisables en tissu prédécoupés par exemple doivent être privilégiés contre ceux en plastique ».

Notre avis : s’orienter via suivi de carte c’est un autre sport. Ça s’appelle la course d’orientation. Ce n’est malheureusement pas envisageable pour les épreuves de masse en course à pied pure. Quant à avoir les points GPS sur sa montre là, en revanche, c’est une excellente idée qui a déjà été mise en pratique par des courses avec succès. Les gros trails type UTMB® devraient pouvoir mettre ça en place. Excellente idée donc.

Wildinism, version 2019

6. Assistance et suivi limités

« Plus d’autonomie en réduisant les ravitaillements et/ou interdisant l’assistance extérieure serait positif tant pour l’environnement que pour l’aspect « aventure » des participants. Idem que pour les participants, transports collectifs à encourager pour les spectateurs, journalistes et éventuels assistants. Privilégier les drones plutôt que les hélicoptères pour la prise d’images, des vététistes ou des coureurs plutôt que des motos ou quads pour ouvrir les parcours. Les épreuves qui font le choix de s’effectuer sans aucun balisage, ni aucune assistance personnelle extérieure à celle de l’organisation et qui respectent le programme Steps To Nature, bénéficieront de l’appellation WildinisM. Ces épreuves nécessitent une expérience et une responsabilisation marquée pour ces participants du fait d’une autonomie quasi complète. Elles pourront être mises en avant plus spécifiquement car elles symbolisent un idéal de courses outdoor avec un impact quasi nul pour la planète et une véritable immersion en symbiose avec la nature. Ces évènements devront toutefois informer les coureurs de leur démarche suffisamment en amont de leur période d’inscriptions, pour que les participants soient avertis et préparés pour ces épreuves qui nécessitent une bonne connaissance de l’environnement naturel traversé ».

Notre avis : Réduire les ravitos, dans l’idée ce n’est pas idiot idiot mais dans les faits, surtout dans les longues distances, et bien ça semble quand même hard à mettre en pratique, voire même en opposition par rapport au sport qu’est l’ultra trail running. Il ne faut pas confondre entraînement dans la nature et compétition dans la nature. Qu’on parle d’aventure ou pas, les coureurs sont aussi là pour le chrono et plus on alourdit les sacs plus on rallonge les chronos et plus on frustre les purs coureurs et ceux qui viennent de la route (aucune raison de leur faire peur, au contraire on doit les accueillir). Là encore, c’est quand même plus aux organisateurs de se casser la tête pour équilibrer tout ça. Limiter les ravitaillements sur un 40 km, OK, pourquoi pas (après tout, faire du trail running ce n’est pas faire une course sur route), mais sur un 100 km ou un 100 miles ce n’est pas du tout réaliste. Encourager les transports collectifs, là en revanche, nous n’y voyons aucune opposition. Drones plutôt qu’hélicoptères ? Vu la différence de prix dans la prestation de l’un et de l’autre, cela se fait déjà naturellement. Quant aux vététistes ou carrément coureurs plutôt que motos ou quads, oui, bien sûr, mais tout dépend de la distance à couvrir quand même hein…. 100 miles à ouvrir à pied ou à vélo, ce n’est pas toujours très raisonnable. On en reparlera.

Wildinism, version 2019

7. Nourriture Bio, prestataires et production locale

« Soutenir l’économie locale et ainsi réduire l’impact carbone lié à l’évènement. Parce que « nous sommes ce que nous mangeons », une nourriture saine et respectueuse de l’environnement s’inscrit dans une démarche globale pour les pratiquants du sport nature. Réduire sa consommation de produits contenant par exemple de l’huile de palme ou encore de la viande (en particulier de bœuf !) serait également une avancée pour la nature ».

Notre avis : Bon, là encore, dans ces idées du Wildinism il y a à prendre et à jeter. Soutenir l’économie locale via des produits locaux, oui. Pourquoi pas ? Mais demander aux coureurs de réduire leurs consommation de viande…non. Certains mangent de la viande, d’autres non. Chacun est libre.

Wildinism, version 2019
Wildinism, version 2019

Notre conclusion

Il y a majoritairement de bonnes idées dans ce Wildinism version 2019 dont tous les organisateurs et pratiquants de trail devraient s’inspirer. Mais, parfois, le côté militant écologique un poil « radical » de ses responsables est un peu trop présent (trop violent ?) car ils oublient qu’ils s’adressent au plus grand nombre et à une industrie, un business de l’outdoor bien huilé dont nous tirons tous les bénéfices, y compris les coureurs. Cela va de soi. Pas simple de faire évoluer les mentalités n’est-ce pas ? C’est en tout cas grâce à des gens comme ceux qui sont derrière Wildinism, Mountain Wilderness et l’ITRA que les choses avancent, qu’on peut se réunir, se poser les bonnes questions, ensemble, et réfléchir à leurs réponses, en discutant, avec intelligence, maturité et bon sens. Nous en parlerons sans doute avec l’un des responsables du Wildinism lors d’une interview dans un prochain papier. Allo allo Cyril Cointre ? Stay tuned sauvages.

Les avis des Robins des Montagnes, Mountain Wilderness et ITRA

« Témoignons de l’incommensurable richesse esthétique et émotionnelle qu’offrent ces lieux et préservons la biodiversité qui y vit. On ne peut plus continuer de considérer la nature comme si c’était le jardin de quelqu’un d’autre. Parmi les derniers espaces de liberté pour bon nombre d’espèces sauvages et amoureux de l’Outdoor, les montagnes sont avant tout un environnement fragile et nous sommes aux premières loges pour les préserver », Cyril Cointre, président de Robin des Montagnes.

« Ce partenariat n’est pas axé sur la promotion de la performance mais sur le fait que le sport outdoor est un mode de découverte de l’espace montagnard. Il est aussi là pour mettre l’accent sur la diminution de l’empreinte carbone et développer l’autonomie des pratiquants », Antoine Pin, administrateur de Mountain Wilderness.

« Notre rôle à tous est de veiller sur la préservation de notre environnement, de cette nature qui nous offre autant d’expériences uniques, à travers le monde. Il est important de faire preuve de pédagogie et d’initier systématiquement une prise de conscience générale sur la fragilité des milieux naturels. C’est pourquoi l’ITRA soutient les actions de l’association Robin des Montagnes et s’associe à son projet WildinisM », Michel Poletti, président de l’ITRA.

Plus d’informations sur www.wildinism.com

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